Une africaine à la tête de l’organisme judiciaire international.
La Gambienne Fatou Bensouda a été élue au poste de procureur de la CPI (Cour Pénale Internationale), où elle devra composer avec un élément de plus en plus patent: la chasse aux criminels de guerre devient un enjeu politique.
Cette ancienne ministre de la Justice a été élue par consensus lors de la réunion annuelle des 120 États membres de la CPI au siège de l’ONU.
Elle succèdera en juin à Luis Moreno-Ocampo, resté 9 ans à la tête de la CPI. Il y avait en septembre, au début du processus de sélection, 52 candidats en lice. Mme Bensouda est l’actuelle adjointe de M. Moreno-Ocampo à la CPI.
« Je suis particulièrement fière d’avoir été soutenue par ma région de manière si appuyée depuis le début. Le continent africain a encore une fois montré son soutien et son engagement en faveur de la justice internationale et de la Cour. Je serai le procureur de tous les États membres d’une manière indépendante et impartiale« , a-t-elle affirmé.
Régulièrement, les pays africains se plaignent de ce que la CPI vise, injustement, estiment-ils, le continent noir. De fait, les sept enquêtes ouvertes depuis 2003 concernent toutes des pays africains (Ouganda, République démocratique du Congo, République centrafricaine, Soudan, Kenya, Libye et Côte d’Ivoire).
Mais Mme Bensouda, qui était candidate unique des 120 États-membres, veut croire que son origine sera un atout.
« Je ne pense pas aux dirigeants que nous poursuivons. Je travaille pour les victimes d’Afrique, elles sont africaines comme moi, voilà d’où je tire ma fierté et mon inspiration« , disait-elle récemment.
Nombreux sont pourtant les observateurs qui voient une très forte politisation de l’institution, qui est devenue sujette, selon eux, à une pression dont Fatou Bensouda aura du mal à se soustraire.
Richard Dicker, directeur du programme « Justice internationale » de l’ONG Human Rights Watch, juge que la toute jeune CPI, créée en 2002, « a pris, en 10 ans, une envergure nouvelle sur la scène internationale. Si certains gouvernements reconnaissent le rôle de la CPI dans les crises et conflits, d’autres ont tenté d’utiliser la Cour à des fins politiques« , note-t-il.
L’origine africaine de Fatou Bensouda risque de jouer contre elle et pourrait écorner l’image de la Cour sur le continent noir, avance Stephen Lamony de l’ONG « Coalition pour la Cour Pénale Internationale ».
Certains pays africains ont tenté de pousser le Conseil de sécurité de l’ONU à suspendre les poursuites contre Omar el-Béchir, le président soudanais, sous le coup d’un mandat d’arrêt de la CPI pour crimes de guerre et crimes contre l’humanité au Darfour. De son côté, le Kenya fait campagne contre l’enquête lancée sur les violences post-électorales de 2007-2008.