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CRISE ITALIENNE: Pour le politologue Giovanni Sartori: «Pier Luigi Bersani n’a pas l’étoffe d’un leader»

Débacle d’une victoire annoncée!

Politologue et ex-professeur à l’Université Columbia (New York), Giovanni Sartori décrypte l’impasse politique et institutionnelle italienne. Pour lui: «Pier Luigi Bersani n’a pas l’étoffe d’un leader».

altLe démocrate Pier Luigi Bersani a cherché à nouer un accord avec le Mouvement Cinq Etoiles (M5S) de Beppe Grillo. Les deux formations sont-elles compatibles?

L’accord entre les deux était dès le départ inconcevable. Beppe Grillo vise à faire sauter le système, en particulier la Constitution. Il considère que les élus du M5S au Parlement n’ont pas de liberté de vote, une liberté pourtant garantie par l’article 67 de la Constitution. C’est stupide de penser qu’un accord politique aurait pu être conclu. L’ennui, c’est que Pier Luigi Bersani qui a été un bon ministre [du gouvernement Prodi, ndlr] n’a pas l’étoffe d’un leader.

La solution est-elle alors une coalition avec la droite de Silvio Berlusconi?

Berlusconi demande clairement une chose : la présidence de la République. L’actuelle crise politique montre combien la fonction de chef de l’Etat est essentielle. Qui plus est, le locataire du palais du Quirinal a un rôle de garant sur les questions judiciaires. Et la justice est un problème pour Silvio Berlusconi [en procès pour trois affaires à Milan]. S’il veut faire un accord avec le parti du Peuple de la Liberté (PDL), le Parti démocrate (PD) n’a plus que cette carte du chef de l’Etat à jouer car il a brûlé les deux autres, à savoir la présidence de la Chambre des députés et celle du Sénat [confiée à l’ex-fonctionnaire de l’ONU Laura Boldrini, et à l’ex-juge antimafia Pietro Grasso]. Plutôt que de céder ces fauteuils à la droite, il a préféré faire élire deux de ses candidats dans le but de s’attirer les bonnes grâces du M5S. Résultat : aujourd’hui le PD n’a plus de monnaie d’échange avec la droite si ce n’est la présidence.

Aurait-il été préférable de voter en 2011 immédiatement après la chute de Berlusconi et sans faire naître le gouvernement de techniciens de Mario Monti?

Mario Monti a sauvé financièrement l’Italie. Quand il est arrivé au pouvoir nous étions au bord de la banqueroute. Pour le reste, son gouvernement n’a pratiquement rien fait. Surtout, il n’a pas changé l’actuelle loi électorale qui permet à un parti arrivé en tête, avec par exemple 20% des suffrages, d’obtenir plus de la moitié des sièges à la Chambre des députés. C’est une escroquerie et une honte.

La réforme électorale doit donc être la priorité du prochain gouvernement italien quel qu’il soit?

La solution la moins nuisible dans cette situation de blocage complet serait de laisser Mario Monti expédier les affaires courantes en lui confiant comme seul mandat de réformer la loi électorale. Une fois cette loi adoptée, le nouveau président de la République [qui sera élu par le Parlement le mois prochain] pourra dissoudre les chambres et convoquer de nouvelles élections.

Comment la gauche italienne sort-elle de cette épreuve?

Si Bersani ne réussit pas à former le gouvernement avec en plus deux personnalités insignifiantes aux postes de présidents de la Chambre des députés et du Sénat, les luttes intestines au sein de la gauche risquent d’être terribles. Mais c’est aussi de la faute du Parti démocrate. Il n’a pas véritablement cherché à changer la loi électorale, avant le scrutin, pensant qu’elle lui serait favorable.

Faut-il craindre la montée d’un sentiment europhobe?

En campagne électorale, Silvio Berlusconi a avancé l’hypothèse d’une sortie de l’euro. L’homme ment et sait qu’il ment. Il y a encore un an, l’euro lui allait très bien. Quant à Beppe Grillo, il crie à la sortie de l’euro mais ce sont pour l’heure des paroles en l’air. Beppe Grillo soutient qu’il interprète la colère du pays et que sans lui l’Italie connaîtrait un phénomène politique similaire au Front national en France ou Aube dorée en Grèce.

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