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EBOLA: Derrière l’épidémie, l’autre scandale éthique

Les « des…sous » d’Ebola? 

L’intérêt indéniable manifesté par les pays du monde entier autour de l’épidémie de fièvre Ebola soulève en nous un certain nombre questions d’ordre éthique.

L’intérêt indéniable manifesté par les pays du monde entier autour de l’épidémie de fièvre Ebola soulève en nous un certain nombre questions d’ordre éthique. Entre les fautes de communication commises par les responsables en charge de l’épidémie, les questionnements légitimes de la presse et, hélas, le bidonnage, il reste évident que la Guinée traverse l’une des pires crises sanitaires de ces dernières années. 

Les guerres en Syrie et en Irak ne suffisaient plus à donner plus de couleurs et de relief à l’actualité internationale. Sans y être invitée, l’épidémie d’Ebola a surgi en Guinée, au plus mauvais moment dirait-on, plongeant les autorités dans l’embarras. Il est vrai que ces dernières ne se sont pas facilité la tâche en servant au monde une communication à géométrie variable, souvent incohérente. Dans un premier temps, on a observé l’alerte lancée pour inviter à l’aide internationale, ensuite vinrent les maladroites dénégations pour contrer les menaces sur l’économie, allant même jusqu’à lancer des défis inutiles à la maladie, faucheuse cynique qui se moque de nos états d’âme. 

C’est d’ailleurs le moment choisi par certains confrères pour entretenir le business d’Ebola. Comme sur l’île aux trésors, les informations ont été triées avec parcimonie, assaisonnées dans les rédactions, avant de ressortir bodybuildées. Des peuples misérables, désespérés, et dont la vie ne tient qu’à une bouteille de perfusion, rien de tel pour doper le moral des troupes avides de sang, de souffrances et d’émotions fortes !

Rarement les journalistes placés au cœur des événements n’ont été aussi mal à l’aise face à la présentation d’une certaine « réalité ». Ceux qui suivent de près l’évolution de la maladie, ont été surpris de voir deux « reportages » TV en particulier : le premier présentant un homme en plein centre ville à Conakry, couché à même le sol, encadré par des policiers. Le quidam était hâtivement présenté comme un « malade d’Ebola ». Le second reportage montrait des agents en uniforme détruisant des baraquements au bord du littoral, le tout accompagné d’un commentaire coloré sur la fièvre Ebola.

Des preuves incontestables ont démontré que l’homme retrouvé par terre est en réalité un vagabond souvent absorbé par son verre d’alcool. Lui qui était censé être terrassé par le maudit virus, doit se trouver, au moment de la publication de ces lignes, dans un bar en train de déguster tranquillement son alcool frelaté. Pour le second reportage, il ne s’agissait ni plus ni moins que de destruction de repaires de présumés bandits. En un mot comme en mille, on appelle ça du bidonnage…

Cette façon scandaleuse de présenter les « faits » est bien entendu tombée au plus mauvais moment. Les pseudos «scoops » ont été lâchés alors que l’amalgame était malicieusement entretenu entre les notions d’Etat d’urgence (state of emergency) et d’urgence sanitaire (health emergency), apportant une couche supplémentaire à la confusion.

On ne saurait bien entendu faire l’impasse sur le regroupement des chiffres, mélangeant avec une inébranlable désinvolture la réalité en Guinée, en Sierra Leone et au Liberia. C’est plus vendeur, plus accrocheur !

Ce traitement désastreux de l’information, sorte de surenchère dans la recherche du sensationnel, n’est malheureusement pas sans conséquences. Il sape des pans entiers de l’économie (tourisme, transports, etc) dans des pays parmi les plus pauvres du monde. Il forge l’opinion mondiale sur des faits qui sont exagérés. Il la braque et sème la peur chez nos propres frères africains. Il la rend méfiante vis-à-vis de la « zone contaminée », comme dans un film de science fiction pour gamins de moins de 10 ans. La mauvaise foi est pourtant la chose la plus condamnée en journalisme.

Tout cela ne prendrait pas parfois les allures d’une tragi-comédie si on ne sentait pas le mépris dans l’approche de certains philanthropes de circonstance par rapport aux drames qui se jouent en Afrique. Le « médicament miracle » (Zmapp) n’a-t-il pas surgi du néant pour soigner des patients non Africains avant de débarquer au Libéria à titre expérimental (la précision est fondamentale)? Il est des hasards qui laissent sceptique. Malheureusement pour nous autres, ce genre d’histoire nous renvoie toujours à nos propres faiblesses, à nos fautes.

Par Saliou Samb

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