Le Pape salue… le Pape!
Deux mois après sa démission historique, le pape émérite Benoît XVI est revenu, jeudi 2 mai après-midi au Vatican, où il a été accueilli par le pape François, inaugurant une cohabitation de deux papes, inédite dans l’histoire du petit Etat.
Benoît XVI, qui se trouvait dans la résidence d’été de Castel Gandolfo près de Rome depuis sa renonciation le 28 février, a atterri aux alentours de 14h45 GMT sur l’héliport du petit Etat. Aucun film de cette arrivée, devant un cercle très restreint, ne devait être fourni par le Vatican, a indiqué peu après son arrivée la télévision officielle CTV, faisant planer quelques interrogations sur la santé du pape émérite.
Joseph Ratzinger, 86 ans, qui a accusé ces derniers mois une forte fatigue, s’est ensuite rendu en voiture quelques centaines de mètres plus loin dans l’ancien monastère «Mater Ecclesiae», réaménagé pour lui sur la colline du Vatican. Il a été accueilli avec «une grande et fraternelle cordialité» par le pape François, a indiqué le Saint-Siège dans son communiqué. Les deux hommes ont ensuite brièvement prié ensemble dans la chapelle du monastère.
«Aujourd’hui, il est heureux de rentrer au Vatican, dans un lieu dans lequel il entend se mettre, comme il l’avait lui-même annoncé le 11 février dernier, au service de l’Eglise avant tout par la prière», a précisé le communiqué.
François a multiplié les gestes d’amitié envers son prédécesseur, allant lui rendre visite à Castel Gandolfo, lui téléphonant plusieurs fois, l’appelant pour son anniversaire, célébrant une messe pour lui.
Pour la première fois dans l’Histoire, un pape en exercice et un pape à la retraite cohabiteront dans le plus petit État du monde, d’une superficie de 44 hectares. La résidence Sainte-Marthe où réside François se trouve à quelques centaines de mètres du monastère.
Quand cette solution –avant même que l’on connaisse le nom de son successeur– avait été annoncée, elle avait surpris et suscité quelques critiques ou inquiétudes: comment le nouveau pontife pourrait-il gouverner de manière totalement libre avec à proximité un prédécesseur qui connaît tout des arcanes du pouvoir au Vatican? D’autant plus que le secrétaire particulier du pape, l’archevêque allemand Georg Gänswein, dirige toujours la «maison pontificale» de François, et à ce titre est chargé d’organiser son emploi du temps.
Mais la mini-tempête semble s’être apaisée: Benoît XVI, conformément à sa promesse de «vivre caché du monde» dans la prière et l’étude, a mené une vie extrêmement discrète et ne s’est manifesté d’aucune manière dans les affaires du Vatican durant son séjour à Castel Gandolfo.
Selon son entourage, Benoît XVI a été soulagé que ce poids énorme de responsabilités lui soit levé, même s’il continue de prier pour l’Église. En outre, son tempérament rigoureux n’aime pas le mélange des genres: il est aujourd’hui retraité, n’est plus en exercice et entend se reposer. Il ne sera pas pour autant reclus, pourra recevoir qui il veut et se promener dans les splendides jardins du Vatican, avait indiqué le père Lombardi: ce qui pourrait donner l’occasion à Benoît XVI, qui aime ses promenades quotidiennes, de rencontrer François. Celui-ci pourra aussi venir le consulter.
Au Vatican, on a évoqué la possibilité que François puisse reprendre le projet d’encyclique sur la foi que Benoît XVI avait pratiquement achevée avant sa démission.
Le 23 mars, la rencontre historique dans la belle propriété pontificale de Castel Gandolfo, au dessus du lac d’Albano, avait éveillé des inquiétudes sur la santé du pape émérite: des images l’avaient montré au monde entier très vieilli, marchant appuyé sur sa canne, suivant difficilement son prédécesseur.
«Il est âgé, affaibli par l’âge, mais ne souffre d’aucune maladie», a souligné le père Lombardi. Le changement soudain de rythme pourrait avoir provoqué cette intense fatigue, selon les experts médicaux.
Dans l’ancien monastère, l’ex-pape s’installe avec 4 laïques consacrées du mouvement «Memores Domini» qui le servaient déjà dans l’appartement pontifical, ainsi que Mgr Gänswein. Le pape émérite, qui aime les livres, aura une bibliothèque à lui, à côté de son bureau. Une chambre est aussi réservée pour Mgr Georg Ratzinger, son frère aîné, quand il viendra de Bavière.
Le monastère, entouré de parterres où fleurissent deux roses rares, la «Béatrice d’Este» (rose) et la «Jean Paul II» (blanche), a une terrasse avec vue imprenable sur la coupole de la basilique Saint-Pierre et sur les toits de la Ville éternelle.
Construit en 1992 par Jean Paul II, ce monastère abritait des religieuses de différents ordres — clarisses, carmélites, bénédictines, visitandines — qui se sont relayées jusqu’à la fin de l’an dernier pour soutenir avec leurs prières le travail quotidien des papes.
S’il veut revenir pour l’été à Castel Gandolfo, comme l’y a invité François selon des sources au Vatican, Benoît XVI n’aura qu’à se rendre à l’héliport à quelques centaines de mètres de là.