Pays suspendu?
Après une journée sanglante d’affrontements qui a débuté par l’évacuation de partisans des Frères musulmans et s’est terminée par l’instauration de l’état d’urgence dans la moitié des provinces du pays, un calme relatif était revenu dans l’ensemble de l’Egypte, jeudi 15 août. Les partisans du président déchu Mohamed Morsi ne sont toutefois pas déterminés à abandonner leur mouvement de protestation.
Le coût humain de la journée de mercredi est encore incertain: selon le gouvernement, au moins 464 personnes ont été tuées dans tout le pays, dont 421 civils et 43 policiers. Les Frères musulmans parlent de 2 200 morts et 10 000 blessés. Policiers et militaires ont utilisé des bulldozers, tiré des grenades lacrymogènes et n’ont pas hésité à faire usage de balles réelles.
Un décompte indépendant reste compliqué, beaucoup de zones restant inaccessibles aux journalistes. Nos envoyés spéciaux au Caire se sont rendus dans un hôpital de fortune sur la place Rabiya Al-Adawiya, où l’on constate l’étendue des violences.
Le couvre-feu instauré dans plusieurs grandes villes prennait fin à 6 heures du matin. Au Caire, policiers et soldats aidés de civils armés de bâtons et de machettes ont patrouillé pendant la nuit, fouillant les voitures et vérifiant les papiers d’identité des passants.
Les islamistes ont d’ores et déjà appelé à de nouvelles manifestations dans la journée de jeudi. « Nous allons continuer jusqu’à ce que le coup d’Etat militaire soit mis en échec », a déclaré un des porte-paroles des Frères musulmans, Gehad El-Haddad.
La police et l’armée ont répondu qu’elles n’accepteraient aucun nouveau « sit-in » des partisans du président déchu Mohamed Morsi. L’état d’urgence, proclamé selon les militaires pour une durée d’un mois, permet à l’armée de procéder à des arrestations et à des détentions illimitées, comme durant les 30 années de présidence d’Hosni Moubarak.
Conséquence politique de ce bain de sang, le vice-président et Prix Nobel de la paix Mohamed El-Baradei a annoncé avoir présenté sa démission car « il m’est devenu difficile de continuer à assumer la responsabilité de décisions avec lesquelles je ne suis pas d’accord ». Considéré comme la caution libérale du gouvernement de transition, M. El-Baradei n’a pas encore été suivi par les autres libéraux et technocrates participant au nouveau pouvoir.