Félicité Mbézélé est née à Yaoundé au Cameroun et se transfère en Italie, il y a plus d’un quart de siècle, débutant son parcours dans le monde de la comédie. Elle est célèbre notamment pour son rôle dans «Una Donna Per Amico» (2000 – 2001) comme Sœur Mary; elle fait actuellement part du cast du feuilleton «Tutto Può Succedere» (2015 – en cours) dans le rôle de Genet (mère de Feven et grand-mère de Robel). Elle a en outre pris part à certains épisodes des diverses séries de «Distretto Di Polizia» et également fait partie du cast «Tutti Insieme All’improvviso» (2016), dans le rôle de Mamy.
Un sketch de 1985 dans lequel Gino Bramieri travesti en africain demandait à un peintre, Angus, de dessiner un petit ange noir dans son tableau. Le peintre ne voulait rien savoir et ce sera une lettre d’Andreotti qui lui fera changer d’avis. Le sketch s’intitulait “Peintre, dessine un ange noir ». Pourquoi est-ce que je parle de ça? Parce qu’à ce jour, dans le cinéma, la fiction, les séries tv, les sitcoms et les feuilletons en Italie et au-delà, désormais le cast n’est plus seulement du pays d’origine du lieu de production, mais est devenu pluriethnique. Aujourd’hui, nous connaissons et apprécions les acteurs de différents coins du globe, mais que savons-nous de leur vie, de leur culture?
J’ai eu le plaisir et l’honneur de rencontrer, il y a quelques années, l’actrice camerounaise, Félicité Mbézélé. J’ai eu l’occasion d’apprécier son histoire et de la connaître et apprécier aussi d’un point de vue professionnel.
Quand et comment as-tu décidé de venir en Italie ?
Après le bac, je devais poursuivre mes études et j’avais déjà compris que je voulais être comédienne. Mais au Cameroun, il n’y avait pas d’académie d’art, alors j’ai commencé à chercher, à faire des recherches et finalement j’ai conclu d’aller étudier en Occident. Comme je parlais espagnol, je pensais aller en Espagne parce qu’en Afrique, il y avait tant de feuilletons espagnols et sud-américains: j’ai ainsi proposé à ma mère d’y aller aussi parce que je ne voulais pas continuer à étudier au Cameroun, je voulais connaître le monde. Je pensais que le Cameroun et la France étaient pareils parce que j’avais une tante française et que ma sœur étudiait en France depuis des années; alors il me semblait de connaître la France. Je ne pouvais pas prétendre d’aller étudier à Hollywood, même si je parlais anglais car, pour ma mère, c’était trop loin; l’Angleterre c’était trop froid. Quand alors j’ai dit à maman que je voulais aller en Espagne, il y avait une opposition totale. Dans mes recherches, j’avais cependant compris qu’avant Hollywood, il y avait Cinecittà. Et que si je voulais vraiment étudier l’art dramatique, c’était l’Italie. A ce point-là, j’ai dit à ma famille que si je ne pouvais pas aller en Espagne, je ne voulais pas aller en France et je leur ai parlé de Cinecittà, de Rome et, là, j’ai vu une lueur dans les yeux de maman. J’ai pigé alors qu’insistant, j’aurais peut-être pu étudier à Rome. Même si je ne connaissais personne, je ne pensais pas que c’était un problème, ainsi donc suis-je venue en Italie pour m’informer et malgré le fait que la culture familiale française n’était pas d’accord avec mon choix, optant de venir en Italie, je savais que c’était la bonne chose à faire et puis j’avais maman de mon côté et j’avais la lueur qui reflétait ses yeux quand je lui expliquai combien Rome était importante pour moi et combien il était important d’étudier l’art dramatique justement là-bas.
Comment t’es-tu sentie à ton arrivée et comment a été l’accueil? Qu’est-ce qui t’a manqué le plus de ton pays?
Je me suis immédiatement sentie curieuse et pleine de ce désir de connaître, de connaître et de pouvoir vivre, un nouveau monde et ce projet qui était le mien, c’était beau! Je connaissais de nouvelles personnes, une nouvelle culture, de nouvelles façons de penser et je commençais aussi de nouvelles études, et il y avait la possibilité de travailler et étudier, une possibilité que je n’avais pas eue dans mon pays où je pouvais uniquement étudier et rester à la maison chez moi, même si le gouvernement camerounais m’offrait la possibilité de faire des stages professionnels. Mais ma maison m’a tout de suite manqué, je me souviens que j’avais trouvé un emploi de secrétaire chez un avocat et il devait retourner au Cameroun pour travail, et je lui a immédiatement dit que j’étais prêt à l’accompagner. Donc, ça m’a manqué la maison, la chaleur humaine, la relation que je vivais avec mes sœurs, avec ma mère. Et quand elle m’a vue de retour, elle m’a demandé ce qui s’était passé et je lui ai expliquer que j’étais là pour accompagner mon employeur: En fait, ça me manquait beaucoup et il a fallu quelques années avant de m’habituer à rester loin d’eux. Je passais un tas de temps au téléphone avec ma famille, mais cette passion que j’avais, ma soif de savoir étaient plus forts. Et puis, j’avais commencé un projet et je savais que j’aurais dû étudier à Rome pendant 4 ans (3 ans de formation et de spécialisation) et ensuite rentrer chez moi… Mais je suis toujours là! (rires ndr). En ce qui concerne l’accueil, je suis une personne très ouverte qui aime les gens, aime les connaître parce que l’autre pour moi est toujours une grande richesse et donc la connaissance et la relation avec l’autre est importante. C’est une nouvelle façon de se découvrir soi-même, donc c’était facile de m’entourer de nouvelles personnes, faire de nouveaux amis, pouvoir parler et me confronter et je pense que le fait des rencontres avec des écoles et des enfants, de pouvoir parler de culture africaine, m’a aidé à m’intégrer en Italie. Bien que mon histoire ait été un peu « privilégiée » grâce au boulot que je fais et donc à la possibilité de me faire connaître sous un autre jour; ça aide! Et encore plus, le fait de pouvoir connaître les autres, avoir des relations humaines avec eux me donne la possibilité de ne pas toujours être considérée comme une étrangère. Même si les autres te considèrent comme étranger, je pense que Dieu nous a créés différents, nous sommes différents et si tu n’as pas la chance de te mettre en discussion grâce à un boulot comme le mien, ça peut être compliquer de t’intégrer, parce qu’en Italie, tu es considéré comme un étranger et non comme une partie intégrante de ce qui est ta nouvelle maison, et c’est quelque chose de traumatisant! Je pense que ce serait la même chose si un Italien se rendait dans un pays qui n’est pas le sien et ne se sentait pas intégré et partie intégrante du pays qui l’accueille. Je pense qu’il y a un malaise à l’égard de la diversité et que cela cause des problèmes pour vivre pensant à une communauté, à un groupe de personnes. Cette expérience, je l’ai vécue marginalement aussi grâce à mon travail, qui m’a permis d’être connue.
Quand as-tu commencé à jouer la comédie et comment as-tu compris que c’était ça ta voie?
Je compris que je voulais être comédienne, au collège. On faisait beaucoup d’activités sportives et culturelles et, à 16 ans, j’ai fait ma première représentation. On avait été emmenés dans un grand et important théâtre et tous nos parents furent invités. Je jouais le rôle principal. A l’époque, j’avais très envie de m’exprimer mais de par mon éducation, je ne pouvais rien dire, mais avec les mots de ce personnage, qui était la mère d’un garçon allé étudier en ville (extrait d’un texte de l’écrivain sénégalais Bilal Fol, intitulé « L’intrus »), j’ai eu l’occasion de m’exprimer à travers la vie d’une autre personne, avec des mots pas miens. En outre, à cette époque, la télévision arriva au Cameroun et le gouvernement donna aux étudiants la possibilité d’écrire des sketchs et de pouvoir les diffuser à la télé. Ainsi commençai-je donc à collaborer avec un jeune avec lequel j’avais formé un duo et beaucoup de nos œuvres ont été diffusées durant la période de mon bac. Là, j’ai compris que c’était ma voie. En outre, mon prof de littérature me dit que le théâtre était de la littérature, et je les ai donc combinés tous les deux pour enrichir mon monde et mes connaissances.
Comment ça a été de jouer dans ton premier film et de participer à ta première fiction ? Quels sont les plus beaux souvenirs de tes premières expériences?
Ça a toujours été une grande émotion, de nouvelles curiosités et puis épouser de nouveaux rôles est toujours très fort pour moi. J’avoue cependant que mes premiers impacts avec l’objectif, que ce soit le cinéma ou la télé, ont été émotionnellement et psychologiquement compliqués et, pouvant choisir, je serais restée au théâtre. En même temps, ça a été des expériences stimulantes pour moi, parce que cette technologie était très forte, elle permettait d’entrer dans les maisons. J’ai compris l’importance de cette méthode de communication, malgré qu’avec l’objectif, ce ne fût pas le coup de foudre. Je me souviens que mes premières auditions étaient désastreuses car la caméra me remuait. Puis quand j’ai fait la paix avec l’objectif, j’ai commencé à me concentrer sur celui qui m’avait choisie pour ce travail et c’est seulement ainsi que j’ai réussi. aussi grâce à l’aide de Rossella Izzo, Fabrizio Costa et Maurizio Sciara que j’ai tout surmonté. Ils ont été mes premiers réalisateurs et ils étaient affectueux, ils me mettaient à mon aise, ils savaient comment prendre l’acteur et cela m’a beaucoup aidé. Il m’ont fait aimer l’objectif.
Qu’est-ce que tu mets de toi, Félicité Mbézélé, dans les personnages que tu interprètes? S’il y avait quelque chose que tu puisses prendre de tes personnages, qu’est-ce que ce serait?
En premier lieu, dans les personnages, je mets mon corps, ma présence physique et surtout mes sentiments; puis je mets l’histoire qui est proposée en moi. Avec les personnages, il faut être généreux pour réussir ce travail. Tu dois épouser le personnage, tu dois te prêter toi-même, non seulement physiquement mais aussi humainement. Pour t’approprier du personnage, tu dois prendre tout ou du moins tout ce qui est possible pour ensuite le rendre au réalisateur qui te guide et au public qui te regarde. Chaque personnage te laisse quelque chose et je pense que ce qu’il te laisse devrait t’aider à vivre la vie réelle. Du point de vue humain, les personnages interprétés vous laissent beaucoup et je pense que c’est le plus beau cadeau parce qu’ils te rappellent tous les jours que tu es un être humain. Je porte avec moi mes personnages, surtout les sentiments positifs, jamais des sentiments négatifs. Des sentiments négatifs, j’en fais cependant des expériences de vie. Par exemple, les personnages interprétés dans le feuilleton « Police District » ou même aussi ceux dans le premier film avec Fabrizio Costa, je me souviens que c’étaient des personnages déchirants, mais j’en ai fait des expériences de vie.
Tu vis en Italie depuis plusieurs années, comment te considèrent-ils les Italiens? S’il y avait quelque chose de ta culture que tu aimerais bien transférer en Italie, qu’est-ce que ce serait?
C’est vrai, je vis en Italie depuis de nombreuses années: ça fait presque 27 ans maintenant! Je me suis même mariée à un italien, ce qui fait donc que les Italiens me considèrent comme l’une d’entre eux. Cependant, je reste désolée que certaines personnes soient agressées à cause de leur diversité; je pense qu’en 2018, il y ait encore tant de violence contre les diversités et là, j’entends dire tout: par exemple, un homme qui tue une femme, un père qui tue ses enfants; il y a trop d’indifférence et trop de manque de respect pour autrui, et ça, je n’aime pas du tout. Ce peu d’inhumanité, cet égoïsme, cette indifférence, cette agressivité, je pense que c’est le résultat d’un malaise typique de l’individu vit avec lui-même, et c’est une chose qui revient dans les confrontations avec les autres, avec l’excuse de la diversité. Je pense que même s’il n’y avait pas de personnes à la peau sombre, ces gens-là s’en prendraient à leur propre peuple. Pour cette raison, je ne dis pas que c’est exclusivement visé contre l’étranger, mais il s’agit d’un malaise général qui touche tout le monde, parce que l’humanité est en perdition et que l’excuse que nous sommes différents est utilisée comme un bouc émissaire. Je voudrais donc transférer ce sentiment d’humanité et d’acceptation de l’autre que ma culture n’a pas encore complètement perdu, vivre la communauté comme un droit de l’homme. L’individualisme est une très mauvaise bête pour l’être humain; c’est quand on commence à se concentrer uniquement sur soi-même que ça crée un problème.
Apprendre à connaître quelqu’un ou quelque chose n’est jamais une erreur, mais une raison supplémentaire de savoir, de découvrir et d’apprendre de nouvelles choses.
Source: leoekongblog
FILMOGRAPHIE
Cinéma
• Intolérance (1996)
• Un nero per casa (1998)
• Harem Suare (1999)
• In principio erano le mutande (1999)
• La sedia della felicità (2013)
Télévision
• S.P.Q.R. – Italia 1 (1998)
• Un nero per casa – Canale 5 (1996)
• Una donna per amico – Rai Uno (1998)
• Morte di una ragazza perbene – Rai Uno (1999)
• Una donna per amico (2) – Rai Uno (2000)
• Una donna per amico (3) – Rai Uno (2001)
• Miacarabefana.it – Rai Uno (2009)
• Tutto può succedere – Rai Uno (2015-in corso)
• Tutti insieme all’improvviso – Canale 5 (2016)