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FRANÇAFRIQUE: Que cherche la France á travers la Francophonie en Afrique? (Analyse)

France à fric?  

Á quelques jours de l´ouverture du 15éme Sommet de l´Organisation Internationale de la Francophonie (OIF) qui se tiendra, du 29 au 30 novembre 2014, dans la capitale sénégalaise, dont le théme choisi á l´unanimité est: «Femmes et jeunes en Francophonie: valeurs de paix, acteurs de développement», il est important d´éclaircir l´opinion publique ainsi que la jeunesse africaine « le concept et les enjeux » de la Francophonie. Ce qu´elle cherche réellement en Afrique. Cette analyse vise á conscientiser la jeunesse africaine á relever les défis pour une Afrique souveraine. «Bien informés, les hommes sont des citoyens; mal informés ils deviennent des sujets». 

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Rappelons que le Sommet de la Francophonie se réunit tous les deux ans. Il est présidé par le chef d´Etat ou de gouvernement du pays hôte du Sommet jusqu´au Sommet suivant. La République Démocratique du Congo qui avait accueilli le 14éme Sommet de l´OIF en 2012 passe le relais au Sénégal. Les chefs d´Etat et de gouvernement des pays ayant le français en partage seront donc, pendant deux jours, au rendez-vous de Dakar, plus précisément au Centre International de Conférence de Diamniadio (CICD), inauguré tout récemment, pour accueillir le 15éme Sommet de la Francophonie.

Qu´est-ce que la Francophonie ? 

L´organisation internationale de la Francophonie (OIF) est un réseau mondial de plus de 220 millions de personnes. Elle réunit les individus qui partagent le français comme langue d´expression. L´OIF est née en 1970 et constituée de 77 pays membres et observateurs dont 42 qui n´ont pas le français comme langue officielle. Plus de la moitié des pays membres de plein exercice de l´OIF sont africains et sur les 220 millions de locuteurs francophones dans le monde, 120 vivent en Afrique. Selon une projection, l´Afrique pourrait en 2050 concentrer 80% des locuteurs francophones de la planéte. Ce qui signifie que la langue française sera á long terme purement africaine. Néanmoins, il faut faire la différence entre «francophonie» (peuples ou locuteurs), «francophilophonie» (espace de développement et d´échanges économiques) et «Francophonie» (Chefs d´Etat et de Gouvernements). 

Avec la Francophonie des chefs d´Etat et de Gouvernements, la France a établi des relations clientéles avec ses anciennes colonies africaines. Cette relation particuliére a permis activement á la France de conserver une forte emprise sur l´Afrique francophone en faisant de bonnes affaires, appuyée notamment par un puissant réseau de lobbies au plus haut sommet de ´Etat. Par exemple la cellule africaine de l’Elysée, le Ministère des Affaires étrangères, de l’identité nationale et de la coopération. Ce réseau est le noyau dur de la Françafrique avec Elf ou Total qui pompe quotidiennement le pétrole africain (Gabon, Cameroun, Congo-Brazzaville, Angola, Tchad, Centrafrique, Nigeria, etc). Le groupe Bouygues contrôle les services publics en Côte d’Ivoire, au Cameroun, Tchad et a bénéficié de gros marchés privilégiés, tout comme Suez-Lyonnaise. Le groupe Bolloré a bâti un empire africain dans le transport, la logistique, le tabac, et d’autres matières premières agricoles ou sylvicoles. Ces entreprises doivent leur présence en Afrique grâce aux réseaux qui se succédent et qui se ressemblent: «réseau gaulliste» et «néo-gaulliste», «réseau Mitterrand», «réseau Pasqua», «réseau Chirac», «réseau Sarkozy» et maintenant «réseau Hollande». Ces réseaux défendent les intérêts de Bolloré, Bouygues, Areva, Total etc.. Les relations franco-africaines ne sont soumises à aucun contrôle parlementaire, tant sur le plan diplomatique, politique, militaire ou économique.

Certes, la Francophonie regroupe 77 Etats et gouvernements mais nul ne saurait douter que c´est la France qui a le dernier mot. La Belgique, le Canada, la Suisse et le Luxembourg ne sont que des membres de l´espace géo-linguistique.

En mars 2008, l´ancien Président français, Jacques Chirac, disait «Sans l´Afrique, la France va glisser vers le bas dans le rang de 3ème puissance du monde». Son prédécesseur François Mitterrand affirmait «Sans l´Afrique, la France n´aura pas ´histoire au 21e siécle». Au Sommet de Kinshasa en 2012, le Président François Hollande, déclarait publiquement que «Le futur de la Francophonie se trouve en Afrique. Ce sont les africains qui porteront en même temps le français, ses valeurs, sa diversité et ses exigences». De même que l´ancien Président du Sénégal et actuel secrétaire général sortant de l´OIF, Abdou Diouf, argumentait dans ce sens: «La Francophonie est née en Afrique, et l´Afrique constitue, depuis lors, pour une grande part, la raison d´être et d´agir de la Francophonie. En d´autres termes, une Francophonie sans l´Afrique, serait une Francophonie sans avenir». 

Que cherche réellement la France á travers les Sommets de la Francophonie en Afrique ? 

La France compte aujourd´hui sur l´Afrique pour bien véhiculer sa culture, langue ainsi que sa civilisation, mais surtout sauvegarder ses intérêts économiques en valorisant la Francophonie par tous les moyens. La Francophonie a des enjeux majeurs économiques non négligeables, qui peuvent être bénéfiques á la France. Le déclin de la francophilophonie économique entraînerait donc une perte de parts de marché pour les entreprises françaises, ainsi qu´une perte d´attractivité pour les universités, la culture et les produits français.

Après son premier Sommet en 1986 à Versailles, la Francophonie, tenue d´une main de fer par la France et certains de ses amis fidéles á l´autre bout du monde, cherche un second souffre pour continuer á s´imposer économiquement, politiquement et linguistiquement sur le continent africain avec la complicité de nos élites.

D´une manière véridique, la France et l´Europe ne peuvent pas faire sans l´Afrique. La crise financiére qui sévit dans le monde depuis 2008, causée par la corruption et le mensonge du systéme financier accentue aujourd´hui la course contre la montre. C´est la course aux intérêts économiques et l´Afrique reste indispensable dans cette course, compte tenu de leurs intérêts significatifs sur le continent.

Cette même Afrique qui n´est pas au service de ses propres citoyens mais riche en matiéres premiéres, en sources ´énergies renouvelables, en ressources agricoles dont dépend la sécurité énergétique des grands consommateurs mondiaux est désormais un continent très courtisé sur le plan international. Pour garder le pouvoir, la mainmise sur ses anciennes colonies et faire face á l´offensive des pays émergents (Brésil, Russie, inde, Chine, Turquie, etc.) sur le continent africain, la France est dans l´obligation de poursuivre une politique globale de nature économique politique, linguistique et culturelle. C´est dans ce contexte que la Francophonie se fixe des priorités et des orientations pour bien mener l´action au détriment de l´Hexagone. Á titre d´exemple dans l´attribution des marchés publics ou privés en Afrique francophone, les entreprises françaises sont considérées en premier lieu. Elles s´affirment au nom de la Francophonie. Les Sommets de la Francophonies en Afrique sont plus qu´une simple rencontre autour d´une langue. Ils constituent un moteur de croissance durable dont le plus grand bénéficiaire est la France. La langue et culture française demeurent dans ce sens un levier de croissance et d´influence qui profite peu á l´Afrique.

Personnellement, je ne fustige pas la Francophonie en tant que telle, car elle véhicule des valeurs fondamentales: la paix et la sécurité, la sauvegarde de l´environnement, la gouvernance, le développement durable, la solidarité mais surtout le côté dynamique linguistique qui relie les francophones du monde. Je salue cette véritable dimension institutionnelle de la francophonie rassemblant les peuples et locuteurs. Je salue la francophonie en tant que vision du monde, le partage de cheminements intellectuels différents á travers une langue commune.

Je ne suis pas aussi contre la France mais contre son systéme pourri, instauré depuis des siécles entravant le développement de l´Afrique sur tous les plans.

C´est la forme que prend la Francophonie qui ne me convient pas personnellement: à travers cette Francophonie, les langues et les cultures africaines sont asphyxiées en place et lieu d´un multiculturalisme. Á travers cette Francophonie, on note une crise de confiance. Á travers cette Francophonie c´est un paradoxe avec la France qui refuse ses visas á ceux qui parlent sa langue et c´est cette même France qui prétend construire son économie sur le dos de l´Afrique.

L´OIFest devenue un espace de concertation et d´échanges économiques et la France pourrait ainsi utiliser l´OIF pour influencer les pays qui étaient sous son autorité. D´ailleurs, la Francophonie vise á développer des liens plus économiques, politiques que culturels entre la France et ses anciennes colonies. La France est le premier contributeur de l´OIF (80%), et ´est lá oú se trouve le danger, dans la mesure où la Francophonie ne constitue pas seulement un enjeu linguistique en Afrique, mais aussi économique et politique. La preuve en est que  l´Agence pour la Coopération Culturelle et Technique s´est transformée aujourd´hui en OIF. Les intérêts vitaux des Etats africains francophones ne sont pris en compte que pour amplifier et fructifier les échanges inégaux avec la France.

Á quoi sert cette Francophonie? L´Afrique doit-elle continuer á porter et à promouvoir la langue et la culture de l´autrui, tout en négligeant sa propre langue et culture? Devrons-nous continuer á promouvoir la langue française alors que nos langues ne sont même pas reconnues en France? Devrons-nous promouvoir le français alors que les langues africaines sont ignorées dans les universités françaises, les centres d’accueil des immigrants où les films sur le civisme sont parlés en langues européennes et en turc, alors que le public est africain? Devrons-nous promouvoir le français alors que quand un africain s’exprime en langue étrangère on lui reproche son accent pour l’empêcher d´accéder à certains postes? Combien d´africains sont discriminés sur le marché du travail en France, Suisse, Belgique, au Canada et au Luxembourg, alors qu´ils maîtrisent parfaitement la langue française? Devrons-nous adhérer á une institution comme l´OIF qui est même ignorée par les français? Pourquoi les français ne se dirigent pas en Afrique pour apprendre nos langues nationales, comme le font les européens en Chine et en Turquie? Devrons-nous se charger de la promotion d´une langue alors même les français de souche ne se donnent pas toute la peine pour promouvoir leur propre langue et culture? Pourquoi l´Algérie n´est pas membre de la Francophonie alors que, dans l´usage de la langue française, le pays est 3ème, derriére la France et la RDC? Á quand un sommet africain pour la promotion des langues africaines? Á quand un sommet africain oú les africains doivent œuvrer á construire les Etats-Unis d´Afrique, ou á travailler pour la construction d´une monnaie unique africaine? Voilá autant de questions qui méritent de réflexions pour nous africains.

Une langue n´est pas seulement un outil d´expression, c´est également une maniére de penser et concevoir le monde. Dans cette logique, culturellement, linguistiquement et économiquement, la Francophonie étouffe et affaiblit nos langues nationales et elle nous pousse aussi à une soumission, acculturation et assimilation totale.

Je me souviens á l´école primaire oú il était interdit de parler sa langue maternelle avec le fameux «Symbole», qui est un objet qu´un élève doit s´attacher au cou en guise d´humiliation s´il ne s´exprimait pas en français. Conséquences: les intellectuels africains (Côte d´Ivoire, Cameroun, Burkina Faso, Togo, Centrafrique, Congo, Gabon etc..) parlent mieux le français que leurs langues maternelles. Les familles aisées en Afrique s´identifient comme occidentalisées. Les jeunes africains ne maitrîsent ni leurs langues maternelles encore moins les langues étrangéres. C´est un probléme social qui interpelle tout africain.

La langue maternelle plonge l´individu dans la séve de sa propre culture alors que la langue étrangére s´impose aux dépens de celle-ci, procure une participation altérée á une culture étrangére. La francophonie contribue á l´aliénation culturelle, économique et linguistique des africains. Si les linguistes ont raison de dire que toutes les langues se valent linguistiquement, ils ont tort de dire qu´elles se valent socialement.

L’un des paradoxes de la francophonie est que les «pères fondateurs» de cette organisation ne sont pas nés dans l’Hexagone: Léopold Sédar Senghor (Sénégal), Habib Bourguiba (Tunisie), Hamani Diori (Niger) et Sa majesté, Norodom Sihanouk (Cambodge). Ces personnages politiques ont été les promoteurs actifs d’un concept de «communauté organique» francophone. Mais aussi parmi, les grandes nations émergentes de la planète, il n´y a aucun pays africain francophone. Aujourd´hui, 25 pays francophones se retrouvent parmi les moins avancés du monde. Á qui profite cette francophilophonie économique?

Une blessure que le Sénégal et l´Afrique toute entière ne pourront jamais oublier, c´est aussi l´absence des plus hautes autorités françaises aux obséques du pére fondateur de la Francophonie, Léopold Sedar Senghor, en 2001 à Dakar. Ni Jacques Chirac, Président de la République française á l´époque, encore moins son premier ministre Lionel Jospin, n´ont accompagné le Président-poéte et ami indéfectible de la France á sa derniére demeure. La Francophonie mérite t-elle d´être revalorisée en Afrique plus particuliérement au Sénégal? «Les Etats n’ont pas d’amis. Ils n’ont que des intérêts» dixit De Gaulle. Cela se confirme aussi avec la Francophonie qui défend les intérêts vitaux de la France, à la place d´une Afrique libre et émergente. La Francophonie, c´est l´affirmation de la domination économique, politique, linguistique, et militaire de la France vis-á-vis de ses « partenaires » africains. La Belgique, le Canada, la Suisse, le Luxembourg et la France sont les grands gagnants de la Francophonie, qu´elle soit économique, politique, culturelle ou linguistique.

Pour finir, l´Afrique d´aujourd´hui n´a nullement besoin de tous ces cadres, vestiges du colonialisme soi-disant Commonweath, Francophonie ou Lusophonie. Je préfére la reconnaissance du principe de diversité culturelle et linguistique, avec un refus de toute prééminence et maternalisation du français au détriment des langues africaines. L´intérêt de la langue française c´est de travailler au métissage linguistique pour un renforcement mutuel. C´est lá qu´elle pourra avoir une place dans le concert des nations. La Francophonie doit s’adapter aux réalités de notre époque (le combat pour la diversité culturelle, économique et linguistique) avec la fin immédiate de la “Françafrique”. J´appelle á un nouveau type de partenariat entre la France et l´Afrique, fondé mutuellement sur le respect, la transparence, la solidarité et le gagnant-gagnant tout en démantelant l´arrangement colonial du Franc CFA. Ce partenariat peut devenir une réalité si la France revisite sa stratégie politique, économique et linguistique. Pour y arriver, l´Afrique a besoin de nouvelles générations de cadres indépendants intellectuellement pour mettre fin á ce vieux clientélisme franco-africain. J´espére les participants au Sommet de Dakar feront passer le message. 

Souleymane SOKOME

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