Dans une conversation exclusive avec Stranieri in Italia, le sous-secrétaire du Ministère de l’Intérieur délégué à l’Immigration, Domenico Manzione, raconte l’action du gouvernement des 4 dernières années dans la gestion des migrations. «Avec le fort impact du Printemps arabe sur la gestion de l’accueil d’un côté et ,de l’autre, la crise économique qui a eu des effets sur l’emploi des immigrés résidents, le gouvernement italien a dû prendre des décisions difficiles et faire des choix non escomptés, qui ont mené à un nouveau système d’accueil alors que d’autres défis demeurent concernant les politiques d’immigration. Notre approche a été d’affronter le phénomène dans une logique enchaînée: opération de sauvetage avec Mare Nostrum, accueil pour qui peut bénéficier d’une protection internationale. Malheureusement, je dois admettre que nous nous sommes plus occupés de gens qui débarquaient que de qui vit déjà dans notre pays. L’accueil a dominé la politique d’immigration au cours des 4 dernières années».
LE NOUVEAU SYSTEME D’ACCUEIL
En 2014, le Sous-secrétaire fut l’architecte du nouveau système d’accueil des demandeurs d’asile en Italie. Avant, il n’y avait aucun accord entre l’Etat central, les régions et les autonomies locales pour la gestion du phénomène migratoire. L’accord de 2014 a créé un plan stable et structuré avec un certain nombre de points forts.
«D’abord, la co-responsabilité entre l’Etat central et les autonomies locales car, étant une question qui concerne tous, évidemment, la gestion de ce problème qui ne peut être commune à toutes les institutions du pays. Le second est le rejet de grandes concentrations de structures qui, jusqu’à présent, ont seulement donné des problèmes sans résoudre aucun inconvénient, et donc l’objectif précis vers un accueil plus diffusé possible».
Sur l’accueil diffusé, plusieurs pieux ont été posés. «Les principaux pieux concernent les régions car nous avons décidé, suivant le critère de répartition du fonds social, de distribuer les personnes ayant débarqué dans notre pays, avec un quota fixé et coïncidant avec celui du fonds social. Cela a permis d’éviter aux régions de supporter individuellement un poids excessif par rapport à ce phénomène».
Avant le nouveau plan d’accueil, la Sicile, par exemple, a reçu à certains moments, environ 30% des personnes ayant débarqué en Italie. À ce jour, selon Manzione, il y a une distribution sensiblement homogène. Pour faciliter la répartition dans les communes, le gouvernement a fait une entente avec l’ANCI (Association Nationale des Communes Italiennes), motivant les organismes adhérant au SPRAR (Système de Protection des Demandeurs d’Asile et Réfugiés).
«C’est un projet du 3ème secteur d’entente avec la commune qui, outre à garantir une meilleure tenue du tissu social, fournit probablement, selon notre expérience, le meilleur outil pour une intégration ultérieure».
Malgré les bonnes intentions, le nouveau système d’accueil se heurte à beaucoup d’obstacles. «L’obstacle majeur vient du fait que, tandis que ce système se structurait, au lieu de diminuer, les débarquements ont plutôt très significativement augmenté. Ce qui n’a pas aidé, tant est-il que nous avons progressé dans l’accueil, mais de façon trop accélérée, et cela ne va pas».
Au lancement du nouveau système d’accueil, il y a 3 ans, les migrants accueillis étaient environ 25.000 dont 9.000 SPRAR. «Aujourd’hui, nous avons environ 176.000 dans le système d’accueil. Cependant, le nombre dans le SPRAR a proportionnellement beaucoup moins augmenté car il y en a environ 30.000 et tous les autres sont dans des centres extra».
Le gouvernement est en train de lutter pour réussir d’une certaine manière à absorber tous les cas dans le circuit SPRAR. «Puisque cela est basé sur la volonté de la localité, nous sommes engagés à créer des motivations meilleures afin que les communes adhèrent à ce projet, mais naturellement, à aussi poursuivre une oeuvre de conviction envers la territorialité».
SANATORIA?
Durant ces années de crise, des centaines de milliers d’immigrés ont perdu le boulot et en conséquence le permis de séjour. Beaucoup sont restés en Italie mais ils sont contraints de bosser au noir.
«Il n’y a pas d’espace actuellement pour une « sanatoria » (régularisation de masse) parce qu’au Parlement, on n’a pas le nombre de votes nécessaires», dit Manzione, reconnaissant cependant la gravité de la situation. «C’est un problème réel, nous nous le sommes posé, nous l’avons affronté avec les syndicats et sommes parvenus, à travers une lecture de la loi déjà en vigueur, à imaginer une possibilité de procrastination du permis de séjour justement pour ceux qui ont perdu le boulot et évidemment sont à la recherche d’un nouveau travail».
SURTAXE DES PERMIS DE SEJOUR
La Cour Européenne de Justice (CEJ) s’était déjà exprimée en septembre 2015, déclarant illégitime le décret qui a introduit la surtaxe sur les permis de séjour, parce que «disproportionnée et en aperte contradiction avec les objectifs de l’intégration et de l’accès aux droits».
Par le verdict n. 04487 du 26/10/2016, le Conseil d’Etat a annulé le décret du Ministère de l’Economie et des Finances du 06/10/2011, dans la partie prévoyant l’obligation de payer une taxe entre 80 € et 200 €, pour la délivrance ou le renouvellement du permis de séjour, confirmant le verdict du TAR (Tribunal Administratif Régional) du Lazio s’était prononcé, du 24 mai 2016.
Le 16 février, le Tribunal de Napoli avait accepté l’appel présenté par une famille Burkinabé et condamné le gouvernement à restituer une partie des taxes pour obtenir le renouvellement du permis de séjour.
A ce jour, il y a déjà 50.000 demandes de remboursements qui ont déjà été envoyées au gouvernement.
Le gouvernement remboursera-t-il ceux qui ont payé la surtaxe sur les permis de séjour ou ces derniers devront-ils continuer à s’adresser aux tribunaux?
Voici la réponse du Sous-secrétaire: «Le gouvernement ne peut pas de lui-même rembourser la taxe pour une raison très simple. L’idée derrière cette taxe était la suivante: « vous payez une contribution à l’Etat pour le permis de séjour et moi, avec une partie de cette contribution, j’alimente le fonds qui me sert à effectuer les rapatriements ». La Cour européenne a jugé que la somme demandée est excessive, elle n’a pas dit qu’il ne faut rien payer pour avoir le permis de séjour».
En bref, le gouvernement ne peut pas rembourser qui a payé la surtaxe sur les permis de séjour parce que c’est une affaire «un peu plus compliquée compte tenu des maigres finances de la période que nous traversons en ce moment», dit Manzione, ajoutant que cependant «le vrai problème est de caractère normatif, je crois que pour pouvoir agir de manière résolue, il faudrait une intervention normative qui, de quelque manière, tienne compte à la fois de l’attitude adoptée par nos postes de police et de ce verdict de la CEJ qui doit certainement être observé».
Et de souligner le fait que le verdict de la CEJ n’élimine pas radicalement la surtaxe sur les permis de séjour, mais laisse un pouvoir discrétionnaire sur lequel il faudrait que le Parlement s’exerce. «Le Parlement devrait dire combien il est juste de payer au moment de la demande de permis de séjour», a déclaré Manzione.
DÉCRET MINNITI
Le 12 avril, la Chambre des députés a définitivement approuvé le Décret Minniti intitulé « Mesures urgentes pour l’accélération des procédures relatives à la protection internationale ainsi que la lutte contre l’immigration illégale » et qui, pour Manzione, «tente d’accélérer le plus possible la procédure de reconnaissance du droit d’asile», convaincu que le nouveau système améliorera les décisions sur les demandes. «Le gouvernement et le Ministère de la Justice en particulier, a misé, non comme disent les observateurs les plus critiques, sur la suppression d’un degré de jugement, mais plutôt sur le changement qualitatif des décisions, car il a substantiellement prévu des juges spécialisés qui traiteront presque exclusivement ces matières. C’est la meilleure solution pour des décisions de bonne qualité. Le ministère de la Justice a institué des sections spécialisées dans chaque district de cour d’appel et a assuré la collégialité de la décision sur les instances qui sont posées. Avec la nouvelle organisation dérivant de la Loi 46, débuteront 26 sections spécialisées, déjà dès le 17 août 2017».
Le décret continue de recevoir les fortes critiques des organisations s’occupant des immigrants, qui retiennent qu’il a une approche très sécuritaire.
Interprétation que Manzione partage pas: «Le décret n’a pas une approche sécuritaire. Je crois qu’au fond, il y a plutôt un équivoque. Le décret établit quelques concepts sur lesquels je suis convaincu que nous sommes tous absolument d’accord. La divergence est plutôt dans la façon dont nous obtenons certains résultats parce que le premier objectif est d’obtenir une majeure rapidité des décisions. Depuis toujours, nous nous plaignons tous de l’extrême durée de la procédure de reconnaissance du droit d’asile. Une observation, qui est assez commune parmi toutes les forces politiques, est que qui a le droit de rester doit rester et qui n’y a évidemment pas droit d’être renvoyé dans son pays d’origine».
RÉFORME DE LA NATIONALITÉ
En ce qui concerne la réforme de la nationalité italienne des fils des immigrés qui est bloquée au Sénat depuis trop longtemps, le Sous-secrétaire affirme qu’elle est encore une priorité du gouvernement et explique pourquoi l’arrêt.
«La Loi sur la nationalité a subi un arrêt au Sénat, mais il est vrai, le stop est lié à la tentative de ne pas créer un sujet de discussion dans le cadre de deux importantes campagnes électorales que nous avons eu dans notre pays, la dernière est le référendum. J’ai cependant espoir, mais c’est ma personnelle conviction, que du moment qu’on aura passé le dernier écueil représenté par les prochaines élections administratives, la réforme puisse décoller avec un débat au Parlement. L’accord qui a été trouvé à la Chambre entre les différentes composantes de la majorité est de bon augure pour une approbation au Sénat que, je l’espère évidemment, sera aussi rapide que possible».
MINEURS ÉTRANGERS NON ACCOMPAGNES
Manzione, qui a joué un rôle clé dans l’approbation de la loi sur la protection des mineurs étrangers non accompagnés, est fier du résultat.
«Le point fondamental est la personnalisation par rapport aux tuteurs qui doivent veiller au plein respect de tous les droits des mineurs non accompagnés, à la procédure de détermination de leur âge effectif et à tous les droits qui en découlent: de l’étude à la santé, à la formation jusqu’à l’intégration».
Le Sous-secrétaire a enfin annoncé une initiative sur cette question au cours du mois de mai.
Stephen Ogongo Ongong’a