Chaos politique sans… « aLibye »!
5 jours d’exercice du pouvoir auront suffi au Premier ministre Abdallah al-Theni pour rendre le tablier. Cette démission a fait suite à l’attaque dont il avait été victime, samedi 12 avril.
En effet, samedi 12 avril soir, des hommes armés ont attaqué le Premier ministre libyen et sa famille. Son véhicule avait été volé mais l’attaque n’a pas fait de blessé.
«Je n’accepte pas que les Libyens s’entretuent à cause de ce poste de Premier ministre» , a justifié Abdallah al-Theni dans le communiqué adressé au Parlement libyen, annonçant sa démission le 13 avril 2014.
Ancien ministre de la Défense, 60 ans, colonel de l’armée à la retraite, Abdallah al-Theni est un proche du bloc des islamistes. Il avait été confirmé le 8 avril dernier dans ses fonctions par le Parlement libyen, à la suite du limogeage d’Ali Zeidan, le 11 mars dernier.
Les milices profitent du vide de l’Etat pour s’imposer
L’annonce de ce départ semble avoir surpris d’autant qu’il intervient dans un contexte qui promet. On disait en effet que les autorités libyennes étaient en passe de régler le blocage sur les terminaux pétroliers même si les exportations n’ont pas encore repris.
Les spéculations vont donc bon train, s’agissant par exemple de l’identité des assaillants. Les attaques sont courantes contre les personnalités politiques en Libye. L’ancien Premier ministre, Ali Zeidan, avait lui aussi été kidnappé pendant plusieurs heures dans son hôtel en octobre dernier.
L’on s’interroge à présent sur les vraies raisons de ce départ précipité du tout récent chef du gouvernement libyen. Couardise, irresponsabilité, stratégie politique ? Autant d’interrogations.
En aucun cas, l’insécurité ne pourrait justifier la démission d’Abdallah al-Theni. D’autant que trouver un nouveau candidat pour le poste de Premier ministre pourrait prendre du temps.
Une chose est sûre: le message que traduit la démission du chef du gouvernement libyen ne milite pas en faveur du pays. L’image de la Libye se ternit chaque jour un peu plus. Ce pays se présente aujourd’hui comme un avion sans pilote. Certaines réalités crèvent les yeux.
Quelques années seulement après la mort de Kadhafi, ses successeurs se révèlent incapables de gouverner la Libye. L’incertitude semble l’emporter car les bonnes volontés se font rares. Et comme pour ne rien arranger, les milices profitent du vide laissé par l’Etat pour s’imposer.
Rien d’étonnant si demain les islamistes purs et durs tentent à nouveau de s’accaparer du pouvoir. Forces généralement bien organisées, ils bénéficieront toujours de la sollicitude de l’international des forces « djihadistes ».
Abdallah al-Theni peut avoir jugé que le rapport des forces lui est défavorable pour l’instant. Pourquoi alors ne pas se retirer pour mieux rebondir?
Les courants islamistes dont on dit qu’il est un proche, pourraient se réorganiser pour conquérir, plus tard, le pouvoir et dicter leur loi sur l’échiquier politique libyen. Il ne faut donc point exclure de les voir revenir plus tard avec davantage d’appétit comme partout où ils ont tenté l’aventure.
Abdallah al-Theni est peut-être parti, suite à des dissensions internes. Sa démission n’honore point l’homme, encore moins son pays. Mais le chef du gouvernement n’a peut-être pas tout simplement voulu s’en laisser conter.
Reste que les engagements demeurent des engagements. A terme, il faut craindre que cette démission ne décourage d’autres bonnes volontés. Certains Libyens pourraient aussi ne pas bien mesurer le poids de leur engagement envers la patrie à rebâtir, après la mort du Guide. Le sens des responsabilités pourrait en souffrir.
L’après Kadhafi mal géré!
La crédibilité de la classe politique de l’après-Kadhafi est à nouveau soumise à rude épreuve. Cela amène à s’interroger, et c’est peut-être aussi ce que vise cette démission d’Abdallah al-Theni.
Cet homme qui n’est pas n’importe qui, fait enregistrer aujourd’hui à la Libye une véritable erreur historique. Rarement on aura enregistré un tel record dans les actes gouvernementaux du genre, en Afrique et ailleurs.
Certes, il n’est pas donné à tout le monde d’accepter de mourir en martyr, mais les raisons liées à l’insécurité ne sont pas valables dans la Libye d’aujourd’hui, pour démissionner du poste de chef du gouvernement. Les milices foisonnent partout et la peur de se voir liquider ne peut justifier un tel acte.
La situation pourrait même s’envenimer après une telle démission. Quid du patriotisme et ceux qui ont accepté de faire des sacrifices pour la Libye? Vraiment grave et exceptionnel ce départ d’un colonel, précédemment ministre de la Défense!
Pour un temps, Abdallah al-Theni va se retrouver sur le banc des accusés. Il sera difficilement pardonnable pour avoir accepté le poste et pour finalement rendre sa démission, seulement 4 jours après sa nomination.
Il sera aussi indexé pour avoir donné le sentiment de fuir ses responsabilités, au point d’être assimilé à un couard ou à un traître.
A priori, l’impression dominante est qu’il n’aurait pas dû démissionner, quelle que soit la menace dont lui et les siens faisaient l’objet. Mais, à l’analyse, un tel comportement ne signifierait-il pas un appel au secours? Pourquoi une telle démission ne viserait-elle pas les adversaires d’une Libye assainie et soucieuse de plus de libertés démocratiques et de justice? Pourquoi le départ inattendu du chef du gouvernement ne cacherait-il pas sa détermination à rompre avec un certain passé ou à s’affranchir de tutelle gênante? Ceux qui avaient intérêt à le voir partir se lècheront probablement les babines, mais pour combien de temps vraiment? Pas sûr qu’ils sauront tirer profit de la nouvelle situation.
Après les périodes de règne sans partage, une table ronde est toujours nécessaire pour mettre rapidement en place une équipe consensuelle de transition, avec une feuille de route claire et des moyens conséquents. L’équipe de transition devrait pouvoir travailler en dehors de toute forme de pression.
Dans le cas de la Libye, il est manifeste, aujourd’hui, que l’après Kadhafi est mal gérée. Les opposants, qui semblent avoir pris le fruit des mains des Occidentaux, sont déboussolés autant que leurs parrains. On ne semble pas vraiment avoir vu venir les forces centrifuges.
Les milices qui fusent de partout confirment que non seulement l’équilibre politique était fragile sous Kadhafi, mais aussi que le Guide était réellement parvenu à annihiler toute velléité d’organisation et de contestation.
Aujourd’hui orphelins de leur père spirituel et idéologique, une bonne partie des Libyens donnent l’impression de n’avoir pas appris à se connaître, encore moins à composer ensemble. Ils peinent à travailler à identifier ensemble la cible commune.
De toute évidence, le message qui se dégage de la démission d’Abdallah al-Then doit inquiéter car il constitue du pain bénit pour les milices qui prolifèrent.
On rassurera difficilement les amis du peuple libyen que leur pays ne va pas à la dérive. Aux Libyens de relever le défi en sachant conjuguer leurs efforts pour aller à l’essentiel et éviter de se faire la guerre par procuration. L’ennemi est d’abord en chacun d’entre eux.