Défi de l’après Kadhafi!
On revoit encore, comme si c’était hier, les images horribles et toutes les joyeusetés en ce 20 octobre 2011 en provenance de la Libye et qui passèrent en boucle et en mondovision: Mouamar Kadhafi, Guide de la Jamahiriya arabe libyenne, « Roi des rois d’Afrique », lynché, tel un chénapan, par une foule de combattants rebelles.
Quelques heures plus tard, c’est le corps du Guide, torse nu, visage ensanglanté gisant sur un matelas de fortune, qui était exposé dans une chambre froide à Misrata, sous le regard de curieux.
A-t-il été tué par un drone Predator américain ou lynché par les rebelles qui l’ont capturé dans un égout? L’on pouvait lire d’ailleurs au-dessous de la bouche de cet égout des graffiti en guise d’épitaphe disant: « c’est ici que le rat Kaddafi a été trouvé », en réponse au patron de la Jamahiriya qui qualifiait les rebelles de « rats ».
Par contre le black-out a été observé sur le lieu de sa sépulture, tout juste sait-on qu’il repose quelque part dans l’immense désert libyen; ce qui avait fait penser qu’ils étaient nombreux, ceux qui ne souhaitaient pas qu’un Kadhafi restât vivant, car Dieu seul sait combien il tenait certains grands par ses libéralités compromettantes.
Le 20 octobre 2011, venaient ainsi de prendre fin 42 ans de règne sans partage de celui qui, avec 12 de ses camarades d’armes, avait renversé le Roi Idriss le 1er septembre 1969.
Deux ans après, que devient le pays sans Kadhafi? Les Libyens s’en sont donnés à cœur joie, on a paradé dans les rues des différentes villes, et le contexte des révolutions arabes aidant, les populations ont eu l’impression qu’une chape de plomb a sauté et bonjour la liberté.
Hélas, 24 mois après la fin de la première révolution libyenne et le début de la seconde, la Libye est toujours à la croisée des chemins:
– la démocratie (si tant est vrai que la démocratie figurait dans l’agenda politique des groupes armés) voulue par ceux qui l’ont renversé aidés par l’Occident est toujours balbutiante ; les tribus bédouines qui vivaient en symbiose sous le règne de Kadhafi se font désormais la guerre. Les nouveaux dirigeants de Tripoli n’ont quasiment pas d’emprise sur les autres villes. Les milices armées s’étant taillé des satrapies et se disputant le pouvoir et les ressources du pays. On s’en prend aux autorités, exemple du rapt récemment du PM, Ali Zaidane ;
– les islamistes, qui étaient contenus par le Guide, sont sortis de l’ombre et tentent, tout comme hier en Egypte et présentement en Tunisie, de s’emparer du pouvoir, si ce n’est déjà le cas ;
– enfin pour ne rien arranger, l’économie est à présent sous perfusion.
Deux ans après qu’on a tourné définitivement la page de l’artisan du Livre vert, le bilan de ses tombeurs n’est pas reluisant, et certains en viennent à regretter la dictature kaddafienne. C’est vrai qu’à l’époque du Guide, il y avait à manger, même si ce n’était pas « Doumbeland », la sécurité n’était pas un vain mot, et le sentiment du vivre-ensemble était fort.
Deux ans après, non seulement Kadhafi laisse derrière lui une famille détruite, ses membres ayant été soit tués, soit emprisonnés ou en exil, et un pays qui a fait un bond en arrière.
N’empêche, vu sous un autre angle, la tragédie kaddafienne est une leçon dispensée gratuitement aux nombreux dirigeants africains atteints du syndrome de la vie éternelle au pouvoir. Certains de nos gouvernants aspirant à demeurer à vie à la tête des pays, on bascule souvent soit dans la dictature, soit dans le chaos après leur départ.