Et la sharia charria… le pays?
Dans le cadre de sa récente adoption de la sharia, le gouvernement libyen a annoncé une première ébauche de calendrier pour sa mise en œuvre dans les secteurs de la banque et de la finance islamiques.
« Il est de notre devoir d’appliquer la sharia. Nous nous y attacherons dès cette année« , a déclaré le ministre de l’Economie Mustafa Abufanas, au cours d’une conférence consacrée à la finance islamique.
Cette affirmation intervient un mois après le vote à l’unanimité par le Congrès Général National (CGN) en faveur de l’application de la loi islamique comme base de toute législation en Libye.
Toutes les institutions de l’Etat doivent se conformer à cette décision.
« La sharia est la source de la législation en Libye et toute disposition autre qui la transgresserait est nulle« , a déclaré le porte-parole du CGN, Omar Humaidan, après le vote de la loi, le 4 décembre dernier.
Mais l’annonce de la mise en œuvre de la sharia en Libye suscite certaines inquiétudes parmi les citoyens.
« Les Libyens en général sont plutôt modérés sur le plan religieux et n’encouragent pas l’extrémisme. Mais si les Libyens ne sont pas opposés à une constitution et à des lois qui respectent l’esprit de la sharia, ils n’acceptent cependant ni la politisation de la religion, ni son utilisation à des fins politiques. C’est ce que les fils et les filles de Libye craignent par-dessus tout… qu’un groupe de radicaux prenne possession du pays. L’application de la sharia, ainsi que l’entendent les extrémistes militants, va certainement conduire à la négation des droits des femmes, puisque leur interprétation de la religion est soumise à leurs caprices et à leurs instincts« , explique l’ancienne ministre de la Santé Fatima Hamroush.
Pour les Libyens, le problème ne réside pas tant dans l’idée de la sharia comme base de la législation, mais plutôt dans la possibilité d’une utilisation abusive de la loi islamique.
Même si les droits des femmes sont protégés par les dispositions du droit international, « les fatwas et les défenseurs religieux du militantisme ont eu des répercussions sur les politiques publiques relatives au traitement des femmes« , indique Nozha Mansouri, maître de conférences à l’Université de Benghazi.
« Il ne s’agit pas de peur vis-à-vis du véritable Islam, celui qui est tolérant et pur, celui qui est basé sur la coopération et la tolérance entre humains. Mais la sharia des diplômés de Kandahar et d’Afghanistan ne me représente pas« , relève Ahlam Ben Tabon, activiste de la société civile à Tripoli.
Nusseibeh Salem, enseignant en école secondaire à Benghazi, précise: « L’Islam n’est plus ‘un’, il est ‘plusieurs’ – l’Islam de la Fraternité musulmane, l’Islam salafiste, l’Islam modéré, l’Islam obscurantiste, etc. – et l’avenir de la Libye dépend des lois qu’édictera la mouvance, quelle qu’elle soit, qui accèdera au pouvoir. Il y aura probablement des abus en cas de victoire de l’Islam obscurantiste, mais si les modérés gagnent, alors l’équité est possible« , ajoute Salem.