Didier è arr…Ivato*!
L’ancien président Didier Ratsiraka est retourné à l’aéroport international d’Ivato via un vol régulier de la compagnie Air Madagascar, accompagné de son épouse, de sa fille Annick et de son fils Xavier Ratsiraka.
A part des militants Arema, le président du Congrès de la Transition, Mamy Rakotoarivelo a été aperçu à l’aéroport. Le chef de délégation de la mouvance Ratsiraka, Ange Andrianarisoa était absent à Ivato.
L’ancien président a rejoint tout de suite l’ouverture de la conférence du FFKM au CCI à bord d’une voiture de marque Mercedes mise à sa disposition.
INTERVIEW
Vous rentrez à Madagascar, 3 mois avant la date officielle de la prochaine élection présidentielle. Est-ce une simple coïncidence?
Je rentre parce que la conférence au sommet ouverte à tous – y compris les militaires, la société civile – que nous appelions de nos vœux depuis 2 ans, va enfin se concrétiser. Donc, ça n’a rien à voir avec la date des élections présidentielles.
Vous rentrez en effet pour participer à cette fameuse conférence organisée par le FFKM, le Conseil des Eglises Chrétiennes de Madagascar, qu’est-ce que vous en attendez?
J’attends un consensus national, après un dialogue en vérité, afin de trouver une solution durable à la crise actuelle. Il faut sortir de ce cercle infernal, de ce cercle vicieux. Vous savez, depuis l’Indépendance, il n’y a jamais eu de passation de pouvoir entre un chef d’Etat élu sortant, et le chef d’Etat élu entrant. Je suis le seul président élu à avoir félicité son successeur, Albert Zaf. Depuis 1962, depuis l’Indépendance. C’est quand même scandaleux!
Au terme d’un accord arraché par la Communauté de développement d’Afrique australe (SADC) et la communauté internationale, une présidentielle est prévue le 24 juillet prochain. Est-ce que cette nouvelle conférence FFKM et le consensus national que vous en attendez, pourraient provoquer un report de cette élection?
Je n’en sais rien, je ne peux pas préjuger de ce que ce sera la décision finale de cette conférence. Cela dépend de ce que les Malgaches décideront ensemble. Il vaut mieux faire les choses dans une situation apaisée, une nation réconciliée, recoller les morceaux de la cohésion des forces armées. Donc, ça n’a rien à voir avec les élections !
Mais tout de même, est-ce qu’il ne vaut mieux pas faire les élections après le consensus, et de ce point de vue, est-ce qu’il ne vaut mieux pas les reporter?
La conférence débute le 18 avril. Théoriquement, ça doit se terminer au bout de dix, quinze jours maximum, je ne sais pas. Mais ça ne va pas durer jusqu’au mois de juillet. Donc, nécessairement, la conférence a lieu avant.
Et personnellement, est-ce que vous ne pensez pas que le 24 juillet, c’est un peu trop tôt?
Ce que je dis tout simplement, c’est que les élections ne sont pas une fin en soi. C’est une condition nécessaire, mais pas suffisante. Il y a eu des élections au Mali, acceptées par tous les Maliens et toute la communauté internationale. Est-ce que les résultats escomptés sont là? Est-ce que la paix est revenue ? Moi, je veux que ce pays retrouve enfin la paix et la stabilité. C’est pour ça que je dis : les élections ce n’est pas une panacée universelle. Il faut des mesures d’accompagnement quant au fond.
Voulez-vous dire qu’il ne faut pas voter dans la précipitation?
Exactement ! On est venu me voir ici pour me dire ce que je pensais de la tenue des élections au mois de mai. Certains amis, certains candidats, sont venus me demander ma bénédiction. Pourquoi voulez-vous que je donne ma bénédiction à quelqu’un qui va se suicider? Les élections au mois de mai, vous croyez que c’est faisable? Le Sud n’est pas pacifié, les attaques à main armée sont monnaie courante. Réglons les problèmes quant au fond. C’est dans l’intérêt du président, qui va présider aux destinées du pays plus tard.
Donc le 24 juillet c’est trop tôt aussi, non?
Je n’en sais rien ! Si on arrive à un consensus national pendant cette conférence, ça peut être le 24 juillet, ça peut être le 24 août, ça peut être début septembre.
Est-ce que vous ne préférez pas 2014 en réalité?
A ce moment-là, ce serait trop long pour le coup. Trop court, ce n’est pas bon, trop long, ce n’est pas bon. Il faut trouver un juste milieu, acceptable par tous.
Dans le camp Ravalomanana, l’épouse de l’ancien président ne réside pas à Madagascar depuis six mois. Dans le camp Rajoelina, c’est la foire d’empoigne entre plusieurs candidats potentiels. Est-ce que, finalement, les deux camps n’ont pas intérêt à un report de la présidentielle?
Il faudrait poser la question aux deux camps.
Si on reporte cette date du 24 juillet, ne risque-t-on pas d’ouvrir la boîte de Pandore ? Andry Rajoelina et Marc Ravalomanana ne risquent-ils pas de revenir dans la course?
C’est un risque. Mais quand ils ont signé cet accord, il n’était pas question de date. C’était donc une question de principe.
Si au terme de ce dialogue avec le FFKM, l’élection est bien préparée, vraiment ouverte, est-ce que vous n’aurez pas envie de vous présenter?
Le problème n’est pas à l’ordre du jour. Pour moi, l’essentiel c’est que Madagascar retrouve la paix.
Avoir 77 ans, est-ce que c’est un handicap pour se présenter ou pas?
Posez la question à Robert Mugabe. Posez la question au président Biya. Ou encore à Nelson Mandela. À quel âge est-il arrivé au pouvoir?
Si vous hésitez à vous présenter, est-ce peut-être parce que vous avez des difficultés financières? La presse malgache dit que vous allez hypothéquer votre appartement parisien.
Est-ce un crime d’être pauvre? La seule résidence que j’ai construite à Madagascar, on l’a « cannibalisée » et ça n’a toujours pas été réparé. Alors quand on me dit: «Revenez!» Je réponds: «Mais je suis sans domicile fixe dans mon pays». Pour être présent, il faut avoir de quoi survivre à Madagascar. Donc, j’ai fait un emprunt, en hypothéquant mon appartement qui est l’héritage de mes enfants, pour pouvoir servir le pays, d’une façon ou d’une autre. Mon père m’a toujours dit: «Mon fils, sois pauvre, mais digne!» Ce n’est pas une question d’avoir de l’argent ou pas. Je n’avais pas d’argent non plus en 1997, quand je me suis présenté. Je n’ai jamais demandé d’argent à l’extérieur pour me présenter aux élections. Peut-être que je suis trop fier. C’est probablement mon tort, mais on ne se refait pas. Vous m’avez donné 77 ans. Merci de m’avoir vieilli d’une année (en réalité Didier Ratsiraka va sur ses 77 ans, le 6 novembre prochain, ndlr). Mais bon, on ne se refait pas, à 76 ou 77 ans.
* Didier est arrivé (en italien: Didier è arrivato)
Christophe Boisbouvier