Très « dé…brouillards »!
Pour la première fois en Afrique du Nord, un projet-phare inédit consiste à collecter de l’eau de brouillard pour faire accéder toute une population à de l’eau potable. Le site où sont construits les filets pour ce premier projet-phare intitulé «Moissonner le brouillard» est localisé dans les montagnes d’Aït Boutmezguida au Maroc, à 1.225 m d’altitude. Une région où le manque d’eau freine le développement économique et rend le quotidien des habitants difficile.
Le stress hydrique que connaît la région du Souss impacte ainsi négativement les populations rurales. Les femmes et les filles passant ainsi trois heures et demie chaque jour à chercher l’eau dans des conditions difficiles, au lieu de travailler ou d’aller à l’école. Or, une alternative existe: la collecte d’eau de brouillard. Et c’est sur ce projet, unique en Afrique du Nord, que l’association Dar Si Hmad pour le développement, l’éducation et la culture a travaillé. Après 6 années de recherche scientifique, cette ONG a implanté ce système dans 5 villages, 2 écoles et une medersa de la Commune rurale de Tnin Amellou, Caidat Mesti, relevant de la province de Sidi Ifni. Objectif, contribuer à l’émergence de meilleures conditions de vie pour les populations rurales. Et la connexion offerte à ces villages n’est qu’une partie pilote du projet qui bénéficie à une population résidente de 400 personnes, soit 80 ménages. En plus du cheptel qui représente une importante source de revenus dans la région. Ainsi, pour la première fois dans l’histoire de cette région, l’accès à l’eau potable sera instantané dans les foyers.
Le principe de captage de brouillard est une technique qui utilise un filet spécialement tendu entre deux pôles et qui attrape les gouttelettes d’eau présentes dans le brouillard. Grâce au vent qui le pousse, le brouillard traverse ainsi le filet, se condense, et tombe dans un contenant placé en dessous de l’unité. Goutte après goutte, la quantité d’eau devient conséquente. Bien sûr, avant de mettre en place un tel projet, il faut se référer à la classification de la météo et à la topographie de la région. Il faut de même une période expérimentale d’au moins une année pour établir une bonne moyenne de collecte d’eau de brouillard. La volonté de la communauté de s’engager dans le projet et la mise en place d’un système pour sa durabilité dans le temps sont aussi indispensables à sa réussite dans ces régions où il y a peu, ou pas de moyens pour avoir accès à l’eau et où sont utilisés les moyens conventionnels.
La période expérimentale de ce projet s’est étalée sur pratiquement 5 ans. Les quantités d’eau collectées ont été mesurées chaque jour. Et après 5 années d’observation, Dar Si Hmad a obtenu le deuxième meilleur résultat mondial après Oman avec 10,5 l/m2 par jour. Des femmes rurales ont, d’un autre côté, reçu une formation sur l’utilisation des téléphones pour pouvoir assurer un reporting régulier concernant le fonctionnement du système de distribution. Et ce, via SMS et appels téléphoniques. Il ressort des conclusions d’études qui évaluent l’impact de livraison de l’eau dans les ménages que les femmes se sentent plus soulagées. De même, les conclusions font état de moins de dégradation naturelle, et moins de maladies transmissibles par l’eau. A l’école du village, on apprend aussi aux enfants à reconnaître la qualité de l’eau, ressource rare et précieuse, et surtout à en prendre bien soin.
Pour rappel, Dar Si Hmad est une association à but non lucratif fondée en 2010. Sa mission est basée sur la promotion de la culture locale et la création d’initiatives viables à travers l’éducation et l’intégration et l’utilisation de l’ingéniosité scientifique avec les communautés du Sud-Ouest du Maroc.
Parmi ses partenaires institutionnels et financiers pour ce projet, la Promotion nationale, l’Agence du Bassin hydraulique SMD, l’université de la Laguna aux Canaries, Munich Re Fundation, l’ambassade de Finlande au Maroc, United States Agency for International Development Global Green Grants and Waterlines et Derhem Holding et Fondation Si Hmad Dehem.
*(L’économiste, Maroc)