Qui frappe le rap?
La police mauritanienne a arrêté, mardi 13 novembre, la chanteuse Leila Moulaye, 24 heures après avoir appréhendé le rappeur Hamzo Bryn.
Cette double arrestation fait suite à la diffusion sur I’internet, le 28 septembre, d’un clip du groupe « Soco Izi », dont Hamzo est le leader, et intitulé « It started from Nouakchott« . Cette vidéo a provoqué une vague de protestations au sein des franges conservatrices de la société.
Leïla Moulaye, une jeune Mauritanienne, y apparaît tête nue. Le clip a enregistré plus de 21 460 vues en l’espace de 3 jours.
L’ONG « Non à la pornographie » a vivement condamné cette vidéo et demandé aux autorités de juger ses auteurs. Sidi Ould Hassan, militant de cette organisation de la société civile, a estimé que « ces rappeurs sont des virus pour la jeunesse. Ils montrent le mauvais exemple. La justice doit les condamner pour empêcher d’autres jeunes de faire comme eux. Nous sommes un pays musulman et nous devons nous inspirer des seules valeurs de la Sounna du Prophète Mahomet, que la paix soit sur Lui« , a-t-il ajouté.
En réaction au tollé soulevé par ce clip, Leila Moulaye a tenu à répondre aux attaques: « Pourquoi ne pas faire un clip avec des tenues modernes! Pourquoi beaucoup de gens voient la culture comme une case sacrée où chaque citoyen est condamné à vivre enfermé? Toute personne qui tente de s’émanciper est diabolisée. Regardez autour de vous. Dans les écoles, les universités et sur les marchés, et vous allez constater que ma passion n’enfreint en rien la culture… Vous rencontrez sans doute quotidiennement beaucoup de femmes la tête nue. Je remercie beaucoup ceux qui m’ont soutenue. Une Mauritanie unie fait peur à certains, je parle de ceux qui ont toujours empêché l’épanouissement de la jeunesse« , a-t-elle déclaré au journal Le Rénovateur.
Pour sa part, le rappeur Hamzo a affirmé: « Les gens peuvent dire ce qu’ils veulent! Cela ne changera pas la direction du vent. Mais j’aimerais dire à tout ceux qui sont choqués par le clip, honte à eux car ils viennent de dévoiler leur côté raciste!«
Cette arrestation a été également vivement dénoncée par le milieu du hip-hop mauritanien.
« Les jeunes ont besoin de liberté pour s’épanouir. Chez nous, les gens sont hypocrites car comment condamner ce clip, alors que chez eux ils suivent des clips beaucoup plus osés?« , déclare Baba Ciré Kane, du groupe « Star du Walo et du Fouta ».
Pour le bassiste Abdallahi Fall, « il est inacceptable de vouloir empêcher les jeunes de faire ce qu’ils veulent. Déjà, on ne les aide pas et s’ils prennent des initiatives, on essaie toujours de les bloquer. La Mauritanie est un pays multiculturel et chacun doit respecter cette diversité. On ne doit pas accepter que les extrémistes nous dictent leur loi .
« Ces rappeurs n’ont rien fait de mal. Mais notre société est très repliée sur ses traditions. Malgré la télévision et les autres moyens de communication modernes, les Mauritaniens n’acceptent pas encore que les jeunes s’émancipent« , déplore pour sa part Marième mint Snih, étudiante à l’université de Nouakchott.
Elle note que cette vidéo est la preuve que « les jeunes Mauritaniens peuvent faire des choses intéressantes si on les encourage. C’est ce que le gouvernement doit faire au lieu de les réprimer« .
Un avis partagé par Hawa Ba, élève au lycée de jeunes filles de Nouakchott: « Dans certains milieux de notre société, les filles ne sont pas habituées à mettre le foulard. On doit comprendre ça. Je ne suis pas d’accord avec l’accusation des rappeurs. Je connais Leïla, c’est une fille bien éduquée. Ici, nous sommes tous des Musulmans et chacun sait ce qu’il fait« , conclut-elle.
(Vidéo: « It started from Nouakchott« )
http://www.youtube.com/watch?v=l16iNYd6EEo