Le FRELIMO (parti au pouvoir) favori!
Après une campagne pacifique à la limite de quelques échauffourées, le Mozambique tient, mercredi 15 octobre, ses législatives et son élection présidentielle avec 3 candidats en lice dont le favori Filipe Nyusi soutenu par le Frelimo, le parti au pouvoir depuis l’indépendance. Après 2 années de tensions entre le parti-Etat et l’opposition de la Renamo, ces élections verront quelques 25 millions de Mozambicains désigner à la fois leurs députés et leur président parmi les trois candidats entrés en lice et qui viennent d’achever leur campagne électorale.
Filipe Jacito Nyusi, 55 ans, fidèle du président sortant Armando Guebuza et désigné par le Front de libération du Mozambique (Frelimo) au pouvoir pour lui succéder, devrait sauf surprise devenir le nouveau président du Mozambique même s’il est le moins connu des électeurs. Il serait alors le premier président mozambicain à ne pas avoir participé à la lutte d’indépendance.
A la tête du ministère de la Défense, M. Nyusi a gagné du crédit en ressuscitant une armée nationale moribonde par du matériel neuf, équipements lourds et avions de combat. M. Nyusi a présenté son programme et reconnu la « lenteur » de réformes dans un pays où une grande partie de la population vit avec juste un dollar par jour.
Le second Afonso Dhlakama, 61 ans, le leader de la Renamo (Résistance nationale du Mozambique) est candidat pour la 5ème fois, après 2 ans passés dans le maquis durant lesquels le Mozambique a connu des affrontements armés meurtriers sporadiques entre la Renamo et le Frelimo. En perte de vitesse depuis 1999, il détient une des clés de l’après-scrutin, les observateurs attendant de savoir si le cessez-le-feu qu’il a finalement accepté de signer en septembre sera durable. L’ex-commandant en chef se présente comme « le porte-parole des pauvres », attirant des foules immenses à chaque meeting ces dernières semaines, à la grande surprise des observateurs qui voyaient en lui un homme du passé. Dhlakama a servi dans l’armée coloniale portugaise avant de rejoindre le Frelimo, puis de participer après l’indépendance à la création de la Renamo. Il a dirigé la guérilla de 1979 à 1992, coupable de nombreuses atrocités durant la guerre civile.
Le 3ème homme de la campagne, en l’occurrence Daviz Simango, âgé de 50 ans, a connu une percée l’an dernier aux municipales de son parti, le Mouvement démocratique du Mozambique (MDM) fondé en 2009. Fils d’un dirigeant du Frelimo, il s’est lancé en politique avec la Renamo avant de faire sécession. Maire depuis dix ans de la deuxième ville du pays, Beira, il renvoie dos à dos les deux forces politiques historiques du pays, la Renamo « toujours armée et (qui) va aux élections avec des armes » et le Frelimo dont « les gens ne sont pas contents (car) la pauvreté est toujours là« . Aux dernières élections, une grande partie de ses candidats avaient été invalidés, et le MDM, n’avait emporté que 4% aux législatives, M. Simango réalisant un score de 9% à la présidentielle.
Le scrutin, précédé d’une campagne éléctorale pacifique, intervient en effet après deux années de tensions entre le parti-Etat et l’opposition de la Renamo, de plus en plus marginalisée et dont le chef Afonso Dhlakama a repris le maquis fin 2012.
Dates clés de l’histoire du Mozambique
Plusieurs dates ont marqué l’histoire du Mozambique depuis l’indépendance en 1975. On citera si besoin est, la guerre civile qui s’est éclaté en 1976 entre le Frelimo et la Résistance nationale du Mozambique (Renamo, rébellion armée).
En 1982 la guerre avait atteint le summum. Activement soutenus par le régime d’apartheid d’Afrique du Sud, les rebelles poursuivent leurs attaques et enlèvent des étrangers.
Vers le mois d’octobre 1986, le Mozambique vivra la mort du président Machel, qui meurt dans un accident d’avion mystérieux en Afrique du Sud, le régime d’apartheid était mis en cause.
Début des années 90, une nouvelle Constitution arrive pour supprimer toute référence au socialisme et adoptant le multipartisme. Toujours durant la même période, le 4 octobre 1992 précisément, un accord de paix avait été signé à Rome entre le Frelimo et la Renamo, mettant fin à 16 ans de guerre civile (un million de morts et plusieurs millions de déplacés ou réfugiés).
Arrive par la suite, le 27 octobre 1994 marquant les premières élections démocratiques confirment Joachim Chissano dans ses fonctions de président du Frelimo et chef de l’Etat.
Au mois d’avril 2013, les Mozambicains renouaient avec les violences déclenchées entre la Renamo et les forces de l’ordre dans la province centrale de Sofala.
Fin 2012, Afonso Dhlakama, qui avait pris le maquis, avait menacé de reprendre les armes, accusant le Frelimo d’accaparer les richesses du pays.
Enfin, le 5 sept 2014, le président sortant Guebuza et Afonso Dhlakama, qui a fait un retour triomphal la veille à Maputo, signent un accord de paix qui met fin aux affrontements armés (plusieurs dizaines de morts) et ouvre la voie aux élections législatives et présidentielle du 15 octobre.
Du point de vue économique, le Mozambique, jadis décrit comme le pays le plus pauvre du monde, est en passe de devenir un important pays producteur de gaz.
Ce pays de 25 millions d’habitants enregistre une croissance moyenne d’environ 7% par an, mais sans tirer de la pauvreté la majorité des Mozambicains en raison des fortes inégalités sociales.
Le déroulement des élections est donc suivi attentivement par les investisseurs, soucieux de savoir si le cessez-le-feu de septembre s’avèrera durable.
Ces élections constituent un tournant pour le Mozambique et les trois partis en lice. Le parti au pouvoir tout d’abord, le Frelimo, dont le candidat Filipe Nyusi fait partie d’une nouvelle génération d’homme politique qui n’a pas lutté pour l’indépendance.
Ex-ministre de la Défense, il a peu d’expérience en politique et vient du nord du pays alors que jusqu’à présent l’élite du sud monopolisait le pouvoir.
Un tournant également pour le principal parti d’opposition, la Renamo, tombée dans l’oubli. Son leader Afonso Dhlakama était en perte de vitesse avant de reprendre le maquis il y a deux ans. Aujourd’hui, ses meetings rassemblent des foules énormes.
Finis les discours belliqueux, il se présente désormais comme la voix des pauvres, ceux qui n’ont pas profité du boom économique des dix dernières années.
Enfin, c’est un tournant aussi avec le petit parti du Mouvement démocratique mozambicain, un parti jeune, urbain, qui a remporté plusieurs municipalités lors des élections locales l’année dernière. Et qui pourrait bien créer la surprise.
Alors que les Mozambicains s’apprêtent à voter, de nombreuses incertitudes subsistent : l’opposition arrivera-t-elle à imposer un second tour au parti au pouvoir ? Et surtout, acceptera-t-elle des résultats qui ne lui seraient pas favorables ?