Parabole d’un Symbole!
L’œuvre monumentale de Nelson Mandela n’était pas sa résistance durant de très longue années au régime oppressif de l’apartheid -beaucoup de femmes et d’hommes ont brillé dans ce registre- mais le mérite de Mandela c’est d’avoir résisté à son instinct de vengeance, d’avoir combattu cet instinct chez les Sud-africains noirs et de les avoir convaincus de pardonner et d’envisager l’avenir avec les blancs.
Lorsque Mandela a été libéré, un processus de transition a été entamé en Afrique du Sud, non sans douleurs et violence. Mandela se rappelle alors ses propres propos prononcés en prison: «Pour faire la paix avec un ennemi, on doit travailler avec cet ennemi, et cet ennemi devient votre associé».
Lors d’une réunion de négociations décisives entre l’ANC et les généraux retraités de la South African Defence Force et des services de renseignement sud africains, Nelson Mandela déclare que «si vous voulez la guerre, je dois admettre honnêtement que nous ne pourrons pas vous affronter sur les champs de bataille. Nous n’en avons pas les moyens. La lutte sera longue et âpre, beaucoup mourront, le pays pourrait finir en cendres. Mais n’oubliez pas deux choses. Vous ne pouvez pas gagner en raison de notre nombre : impossible de nous tuer tous. Et vous ne pouvez pas gagner en raison de la communauté internationale. Elle se ralliera à nous et nous soutiendra».
Le général Constand Viljoen et Mandela se regardent alors et comprennent la réalité de leur dépendance mutuelle. Pour l’écrivain sud-africain Njabulo Ndebele, l’échange résume l’une des causes de la création de la Commission vérité et réconciliation. Il conclut: «A la base de tout compromis, il faut que les parties en conflit soient disposées à renoncer à leurs objectifs inconciliables, et tendent ensuite vers un accord qui puisse procurer des avantages substantiels aux uns et aux autres».
Le raisonnement de Mandela traduit cette résistance noble et difficile contre soi-même en tant qu’individu et en tant que communauté noire qui a subi les affres d’un régime ignoble, abject et inhumain. La grandeur de Mandela se situe à ce niveau du don de soi et du pardon que peu d’humains consentent.
Pour Mandela, la liberté nouvelle ne doit pas se faire aux dépens de l’ancien oppresseur, autrement cette liberté ne servirait à rien: «Je ne suis pas vraiment libre si je prive quelqu’un d’autre de sa liberté. L’opprimé et l’oppresseur sont tous deux dépossédés de leur humanité.» Grâce à Madiba, les Afrikaners ont été rassurés dans leur majorité de ne jamais devenir les victimes de la majorité noire au pouvoir. «La vérité, c’est que nous ne sommes pas encore libres ; nous avons seulement atteint la liberté d’être libres, le droit de ne pas être opprimés [… ]. Car être libre, ce n’est pas seulement se débarrasser de ses chaînes ; c’est vivre d’une façon qui respecte et renforce la liberté des autres», a déclaré Mandela.
D’une famille royale aux bas-fonds de la résistance
Le 18 juillet 1918, dans un village de Mvezo, dans le Transkei, dans la province du Cap Oriental, la famille Thembu et l’ethnie Xhosa ne savaient pas que l’enfant qui est né ce jour, allait devenir une légende vivante, l’homme le plus aimé et le plus respecté au monde. Mandela est né sous le prénom de « Rolihlahla » qui signifie étymologiquement «enlever une branche d’un arbre», et par extension, «fauteur de troubles». Mandela sera, en effet, un fauteur de trouble hors paire. Madiba, sera le premier membre de sa famille à fréquenter une école et son institutrice, selon une pratique courante à cette époque, lui donne le prénom de Nelson. Nelson Mandela dira: «Le premier jour d’école, mon institutrice, Miss Mdingane, nous a donné à chacun un nom anglais. C’était une coutume chez les Africains à cette époque et elle était sans doute due au penchant anglais de notre éducation. Ce jour-là, Miss Mdingane me dit que mon nom était Nelson. Pourquoi elle m’a donné ce prénom en particulier? Je n’en ai aucune idée».
L’enseignement dispensé dans cette école méthodiste lui permet de recevoir une éducation à la fois africaine traditionnelle et européenne. Devenu orphelin à l’âge de neuf ans, Mandela ne baisse pas les bras et poursuit son éducation avec assiduité. Il est alors admis à Clarkbury Boarding Institut et obtient son premier diplôme en deux ans au lieu de trois ans.
A 19 ans, Mandela est désigné pour hériter de la fonction de conseiller de son père. Mandela préfère poursuivre ses études à l’école (toujours méthodiste) d’Healdtown, à Fort Beaufort, fréquentée par la plupart des membres de la famille royale13. Il y pratique la boxe et la course à pied. Une fois à l’université, Mandela fait la connaissance d’Oliver Tambo, flirte avec les idées et la praxis politique. Il y découvre le nationalisme afrikaner, se détourne du marxisme et adhère à la doctrine de non-violence prônée par Gandhi, d’autant plus que cette doctrine est mise en œuvre en Afrique du Sud même.
La résistance non-violente à l’apartheid a constitué une étape importante dans le combat des Sud-africains noirs contre le régime inhumain imposé par les Blancs. Mandela a épousé cette doctrine, à l’instar de beaucoup de ses compatriotes, par conviction, croyant qu’il était possible de renverser un système par la non-violence et les batailles juridiques. C’est pourquoi, comme Gandhi, Mandela a choisi de faire des études de droit pour devenir avocat et défendre ses compatriotes et la cause nationale. Mandela adhère à l’ANC (Congrès National Africain) en 1944.
L’année suivante, l’ANC revendique pour la première fois le suffrage universel non racial (« One man, One vote« ). Cette revendication marque une nette évolution de l’ANC qui transcende la lutte contre la discrimination raciale pour passer à la conquête du pouvoir. Cette évolution qualitative s’explique par l’influence de la radicale Ligue de jeunesse de l’ANC, dirigée alors par Anton Lembede, Walter Sisulu et Oliver Tambo, à laquelle adhère Mandela, et qui incite aux actions de masse afin de lutter contre la domination politique de la minorité blanche et contre la ségrégation raciale, dont les dispositifs légaux sont alors en cours d’uniformisation sur l’ensemble des quatre provinces sud-africaines.
L’apartheid
L’apartheid a toujours existé de fait, depuis l’occupation, au XVe siècle, de l’Afrique du Sud par les Britanniques et les hollandais en quête de la route des Indes, de richesses et d’esclaves.
Cette pratique raciste et discriminatoire à l’égard des autochtones africains, allait s’affirmer et se légaliser, notamment depuis 1910 lorsque l’Union d’Afrique du Sud a été proclamée.
De 1913 à 1942, une succession de lois interdit aux Noirs d’être propriétaires de terres en dehors des «réserves» indigènes existantes, qui représentent 7% de la superficie totale de l’Union sud-africaine, ce qui provoque l’expropriation de nombreux paysans indépendants noirs et la constitution d’un prolétariat agricole, puis introduit la ségrégation résidentielle permettant aux municipalités de créer des quartiers réservés aux Noirs et de limiter leur urbanisation et, ensuite, supprime les Noirs des listes électorales communes de la province du Cap. Une loi agrandit ensuite les réserves indigènes existantes de 7 à 13 % de la surface du pays, ôtant dans le même temps aux résidents noirs du Cap le droit d’acheter de la terre en dehors des réserves.
En 1942, à la suite de plusieurs discours hostiles à l’engagement dans le second conflit mondial et officiellement dans une perspective de «prévention des troubles», les grèves des travailleurs noirs sont déclarées illégales au titre de l’effort de guerre.
L’apartheid allait être consacré en tant que politique officielle de l’Afrique du Sud après les élections générales de 1948, lorsque le Parti National, composé exclusivement d’Afrikaners, a pris le pouvoir. Dans ce système, le rattachement territorial puis la nationalité et le statut social, dépendent du statut racial de l’individu, défavorisant largement la population noire et interdisant les mariages mixtes.
De son côté, la Ligue de jeunesse de l’ANC se montre déterminée. En interne, elle parvient à faire écarter Alfred Xuma, jugé trop modéré, pour imposer James Moroka et préparer une grande campagne de défiance. Les deux leaders de la Ligue de jeunesse de l’ANC, Nelson Mandela et Oliver Tambo, sont devenu avocats à partir de 1951, alors que la campagne de défiance bat son plein. Elle culmine lors des manifestations du 6 avril 1952, et se transforme en mouvement de désobéissance civile contre le système d’apartheid. Sur les 10.000 manifestants, 8.500 sont arrêtés, y compris Nelson Mandela.
La campagne continue en octobre avec des manifestations contre les lois de ségrégation et contre le port obligatoire de laissez-passer pour les Noirs. Le gouvernement modifie alors la loi sur la sécurité publique (public safety act de 1953) pour autoriser le pouvoir à suspendre les libertés individuelles, à proclamer l’état d’urgence et à gouverner par décrets.
Mandela est condamné à 9 mois de prison avec sursis, se voit interdire toute réunion et est placé en résidence surveillée chez lui à Johannesburg. Il utilise cette situation pour organiser l’ANC en cellules clandestines. Cette campagne de résistance passive, qui prend fin en avril 1953, permet à l’ANC de gagner en crédibilité, passant de 7.000 à 10.000 adhérents. Son option non raciale lui permet de s’ouvrir aux Indiens et aux communistes blancs, mais les métis restent plus circonspects.
Quand James Moroka tente de plaider la conciliation avec le gouvernement, il est renversé par la Ligue des jeunes du parti qui impose alors Albert Lutuli à la tête de l’ANC. En 1955 a lieu le congrès du peuple, qui adopte la «Charte de la liberté» qui donne les bases fondamentales du mouvement anti-apartheid. Pendant cette période, Nelson Mandela et son ami Oliver Tambo dirigent le cabinet d’avocats « Mandela & Tambo » qui fournit un conseil juridique gratuit ou à bas coût pour les nombreux Noirs qui ne peuvent payer les frais d’avocats. Longtemps anticommuniste, Mandela finit alors par modérer son anticommunisme primaire chrétien, pour appeler au rapprochement avec le Parti Communiste Sud-africain, pour transcender les clivages ethniques.
Fin de l’action non-violente et passage à la lutte armée
Face à l’alliance des courants anti-apartheid, le régime raciste redouble de férocité et passe à une répression tous azimuts dans l’espoir vain de tuer la contestation dans l’œuf. Un tournant décisif dans la lutte anti- apartheid et dans la répression raciste a lieu le 21 mars 1960, lorsqu’une soixantaine de policiers, sur un effectif total de 300 hommes retranchés dans un local de la police et appuyés par des véhicules blindés, tirent sans sommation sur une foule d’environ 5.000 personnes dont seules 300 sont encore à proximité des policiers, le reste de la foule ayant commencé à se disperser. Cette tuerie volontaire et prémédité est connue sous le tristement célèbre massacre de Sharpeville, un township de Vereeniging, dans le sud du Transvaal. 69 morts, dont 8 femmes et 10 enfants, ainsi que 124 blessés, dont 31 femmes et 19 enfants, ont été recensés ce jour-là. La majorité des blessures par balles sont faites dans le dos sur une foule en fuite et non armée.
Le gouvernement déclare l’état d’urgence face aux manifestations qui s’ensuivent et interdit l’ANC et le PAC, dont les dirigeants sont emprisonnés ou assignés à résidence. L’indignation internationale a contraint le Conseil de sécurité de l’ONU à voter, le 1er avril, la résolution 134, qui condamne le massacre et enjoint le gouvernement sud-africain «à abandonner ses politiques d’apartheid et de ségrégation raciale».
Face à cette hécatombe cyclique, Nelson Mandela abandonne sa doctrine de résistance non-violente pour fonder en 1961 « Umkhonto we Sizwe » (MK), branche armée de l’ANC qui prône l’action armée contre le régime de l’apartheid et ses symboles. Mandela lance la même année un appel à une grève générale qui a paralysé le pays contraignant ainsi le gouvernement à faire intervenir la police et l’armée. Il écrit et signe un plan de passage graduel à la lutte armée. Il coordonne des campagnes de sabotage contre des cibles symboliques, préparant des plans pour une possible guérilla, si les sabotages ne suffisaient pas à mettre une fin à l’apartheid.
Nelson Mandela décrit le passage à la lutte armée comme un dernier recours.
L’augmentation de la répression, les violences policières et de l’État, le convainquent que des années de lutte non violente contre l’apartheid n’ont apporté aucune avancée. Cependant, l’action armée de Mandela se voulait sélective dans la mesure où elle ne devrait pas faire de victimes humaines, ni dans un camp ni dans l’autre. Pour y parvenir, Mandela collecte des fonds à l’étranger pour le MK et organise l’entraînement paramilitaire de son groupe. Il suit une formation militaire en Algérie nouvellement indépendante et étudie Carl von Clausewitz, Mao Zedong, Che Guevara et les spécialistes de la seconde guerre des Boers.
Dès son retour en Afrique du Sud, en provenance d’Alger, le 5 août 1962, Nelson Mandela est arrêté, grâce à l’aide précieuse de la CIA qui a communiqué des informations aux services secrets sud-africains, sur la cachette et le déguisement de Mandela en chauffeur de taxi. Ainsi, les Etats-Unis ont vendu Mandela pour avoir la libération d’un agent de la CIA infiltré en Afrique du Sud et qui a été démasqué. Il est évident que le régime de l’apartheid, à l’instar des régimes dictatoriaux en Afrique et en Amérique latine, était l’allié stratégique des Etats-Unis et de l’Occident dans leur guerre froide contre le bloc de l’Est. Le procès de Mandela, connu sous le nom de Rivonia, débute le 9 octobre 1963 devant la Haute cour de Pretoria pour se terminer le 12 juin 1964 par la condamnation à perpétuité de Mandela.
Toujours sous la pression de l’opinion publique mondiale, le Conseil de sécurité de l’ONU condamne le procès de Rivonia et commence à s’engager vers la recommandation de sanctions internationales contre l’Afrique du Sud. La résolution 181 d’août 1963 condamne l’apartheid et demande à tous les États d’arrêter volontairement leurs ventes d’armes à l’Afrique du Sud, mais cette demande n’a jamais été contraignante avant la résolution 418 du 4 novembre 1977 qui a imposé un embargo sur les ventes d’armes.
De Robben Island à la présidence
Contrairement aux objectifs de ses geôliers, Robben Island et les conditions de détention rudes n’ont pas brisé la volonté de Mandela. Selon le témoignage d’Amhed Kathrada, un de ses codétenus, Mandela n’accepte aucun traitement de faveur, que ce soit pour le travail ou les vêtements, et mène toutes les actions de contestation avec les autres prisonniers, dont des grèves de la faim. Il refuse par exemple d’appeler les gardes sous le nom de « baas » (patron) comme ils l’exigent.
C’est à Robben Island que la légende allait naître. La notoriété de Mandela est désormais internationale, devenant ainsi le symbole de la résistance à la répression, à la domination et aux pratiques inhumaines d’un régime abominable. Un long travail de fourmi commence alors pour Mandela qui a compris qu’une Afrique du Sud unitaire, égalitaire et juste pour tous ses habitants, Noirs et Blancs, est la seule perspective pour la paix. Mandela n’a pas que les Blancs à convaincre, mais surtout les Noirs, les victimes.
L’œuvre de Mandela commence à Robben Island. Il essaye d’analyser la situation et perçoit que les Afrikaners sont surtout dirigés par la peur que la majorité noire refuse de partager le pouvoir et fasse d’eux et de leur famille les victimes d’une révolution sanglante. Nelson Mandela profite de ces années pour apprendre l’histoire des Afrikaners et leur langue, l’afrikaans, afin de comprendre notamment leur mentalité et d’établir un véritable dialogue avec eux.
Défiant le point de vue de l’ANC, qui considérait alors le pouvoir afrikaner comme une version moderne du colonialisme européen, il en vient lui-même à estimer et déclarer que l’Afrikaner est un Africain, au même titre que n’importe lequel de ses codétenus noirs, songeant que, à leur place et dans d’autres circonstances, il aurait pu avoir la même vue sur l’apartheid. Cette compréhension des Afrikaners lui donne l’esprit de réconciliation nécessaire aux futures négociations.
En 1976, il reçoit pour la première fois la visite d’un membre du gouvernement sud-africain. Le ministre des Prisons, Jimmy Kruger, vient lui proposer une libération à condition qu’il se fixe au Transkei, alors dirigé par Kaizer Matanzima, neveu de Mandela condamné par celui-ci pour son soutien passif à l’apartheid. Mandela refuse, fait part de ses revendications et pose la question de sa libération en invoquant au passage l’histoire de plusieurs héros de la cause nationaliste afrikaner, un temps eux-mêmes condamnés pour haute trahison puis finalement rapidement graciés. Il décline même toute rencontre avec Matanzima de peur que cela légitime les Bantoustans auprès de la communauté internationale.
Les émeutes de Soweto éclatent en juin 1976, faisant 575 morts dont 570 noirs. En septembre 1977, le fondateur du Mouvement de conscience noire, Steve Biko, est assassiné, sous la torture policière dans une prison.
En octobre 1977, le Conseil de sécurité de l’ONU adopte la résolution 417 qui «condamne vigoureusement le régime raciste sud-africain» et demande la libération de «toutes les personnes emprisonnées au titre de lois arbitraires sur la sûreté de l’État [… ] et pour leur opposition à l’apartheid». En novembre, avec la résolution 418, il impose un embargo sur les ventes d’armes à destination de l’Afrique du Sud. Nelson Mandela ainsi que d’autres militants sont placés en isolement carcéral, où radio et journaux sont interdits ou censurés.
En 1979, il revoit, après 15 ans, sa deuxième femme, Winnie, qui subit aussi la prison ou l’assignation à résidence. Continuant à parfaire sa formation juridique, Mandela a étudié par correspondance à l’Université de Londres et reçoit un diplôme de Bachlor of low. Il est même présélectionné pour le titre de Chancelier de cette université, mais s’incline face à la princesse Anne du Royaume-Uni.
La pression internationale et l’isolement de l’Afrique du Sud ont fini par contraindre le régime de l’apartheid à revoir sa copie. En mars 1982, Mandela est transféré, en compagnie des principaux dirigeants de l’ANC à la prison de Pollsmoor, dans la banlieue du Cap. S’il a été envisagé un moment que ce transfert avait été réalisé afin d’éloigner ces dirigeants de la nouvelle génération de Noirs emprisonnés à Robben Island, surnommée l’«Université Mandela», le ministre de la Justice, Kobie Coetsee, a dit au contraire que ce transfert avait été accompli afin de pouvoir établir un contact discret entre eux et le gouvernement sud-africain.
En février 1985, le président Pieter Willem Botha offre à Nelson Mandela, contre l’avis de ses ministres, la liberté conditionnelle en échange d’un renoncement à la lutte armée. Mandela rejette l’offre, disant dans un communiqué transmis par sa fille Zindzi: «Quelle liberté m’est offerte alors que l’organisation du peuple demeure interdite? Seuls les hommes libres peuvent négocier. Un prisonnier ne peut pas faire de contrat».. La même année, Botha abolit les lois sur les laissez-passer et les mariages mixtes. Mais cela est considéré comme trop timide par Nelson Mandela qui réclame toujours avec l’ANC clandestin «Un homme, Une voix». La première rencontre entre Nelson Mandela et le gouvernement a lieu en novembre 1985: le ministre de la Justice, Kobie Coetsee, rencontre Mandela à l’hôpital Volks, au Cap, où il est opéré de la prostate.
Au cours des 4 années suivantes, une série de rencontres pose les bases pour de futures négociations, mais aucun progrès réel n’est réalisé. Sa dernière prison en 1986 est une villa avec piscine dans le périmètre du centre pénitentiaire de Paarl. Il est en partie libéré le 7 décembre 1988 et mis en résidence surveillée. La légende Mandela se confirme lors de son 70ème anniversaire. Un concert organisé en juin 1988 à Wembley, en hommage à Mandela qui a été suivi par 600 millions de personnes à travers 67 pays, transformant l’homme en une icône mondiale admirée par toute l’humanité.
Le 2 février 1990, le Président sud africain, de Klerk, annonce la levée de l’interdiction de l’ANC et de plusieurs autres organisations anti-apartheid, ainsi que la libération prochaine et sans condition de Nelson Mandela. Ce dernier est libéré le 11 février 1990 et l’événement est retransmis en direct dans le monde entier.
Le jour de sa libération, Nelson Mandela fait un discours depuis le balcon de l’Hôtel de ville du Cap. Il y déclare son engagement pour la paix et la réconciliation avec la minorité blanche du pays, mais annonce clairement que la lutte armée de l’ANC n’est pas terminée: «Notre recours à la lutte armée en 1960 avec la formation de l’aile militaire de l’ANC était purement une action défensive contre la violence de l’apartheid. Les facteurs qui ont rendu nécessaire la lutte armée existent toujours aujourd’hui. Nous n’avons aucune option à part continuer. Nous espérons qu’un climat propice à une solution négociée existera bientôt, ce qui rendra inutile la lutte armée». Mandela dit aussi que son objectif principal est de donner à la majorité noire le droit de vote aussi bien aux élections nationales que locales. Il annonce également à la foule: «Je suis là devant vous non pas comme un prophète mais comme un humble serviteur du peuple».
Le 26 février 1990, il demande à ses partisans: «Jetez dans la mer vos fusils, vos couteaux et vos machettes», afin de pacifier les relations entre l’ANC et le gouvernement mais aussi la rivalité entre l’ANC et l’Inkhata zoulou qui a fait de nombreuses victimes. Nelson Mandela mène le parti lors des négociations pour une nouvelle constitution de transition qui ont lieu entre mai 1990 (accords de Groote Schuur) et mars 1994. Le 6 août, Mandela confirme les accords avec de Klerk, et l’ANC proclame la fin de la lutte armée. Le 30 juin 1991, le Parlement sud-africain vote la suppression des dernières lois piliers de l’apartheid encore en vigueur, notamment la loi sur la classification raciale et celle sur l’habitat séparé.
En juillet 1991, Nelson Mandela est élu président de l’ANC à l’occasion de la première conférence nationale de l’ANC en Afrique du Sud et Oliver Tambo, qui dirigeait l’ANC en exil depuis 1969, devient secrétaire national.
Au début de 1992, des élections législatives partielles virent au désastre pour le Parti national au bénéfice des candidats du Parti conservateur favorable au maintien de l’apartheid. Le président de Klerk, qui avait fait de l’élection générale partielle un enjeu national, et qui avait été alors désavoué dans ce traditionnel bastion électoral du Parti national, organise alors un ultime référendum auprès de l’ensemble des électeurs blancs pour solliciter leur appui. Il obtient publiquement celui de Mandela, qui cherche par ailleurs à calmer les ardeurs et les impatiences des militants de l’ANC. Le 17 mars 1992, avec 68,7% de oui, de Klerk obtient sans ambiguïté le soutien de l’ensemble de la communauté blanche.
Lors de son discours de victoire devant le parlement du Cap, il déclare que les électeurs blancs ont eux-mêmes «décidé de refermer définitivement le livre de l’apartheid». Si Frederik de Klerk a plié face à l’Histoire, Mandela a fait de la réconciliation nationale un compromis historique pour l’avènement d’une nation multiraciale et multiconfessionnelle. Pour avoir transformé un pays raciste, oppressif, et inhumain en une démocratie, Mandela et de Klerk ont reçu en 1993 le prix Nobel de la paix.
Le 27 avril 1994, Nelson Mandela est élu président d’Afrique du Sud alors qu’il a déjà été consacré le « Sage de l’Humanité ». L’humanité, en quête d’humanisme a trouvé en Mandela, comme ce fut le cas en Gandhi, en Martin Luther King et en Che Guevara, l’exemple que tous les hommes d’Etat doivent suivre s’ils veulent préserver le monde et retrouver le rêve perdu de l’humanisme. Nelson Mandela: la parabole d’ un Symbole… des Hommes!