Le label Cantos a sorti un disque posthume de l’icône de la rumba congolaise et de la «world music», six mois après sa mort brutale. Chapeau melon haut de forme rouge, ample tunique blanche brodée de noir. C’est l’ultime tenue dans laquelle est apparu Papa Wemba, décédé à l’aube du 24 avril sur la scène du Festival des musiques urbaines d’Anoumaba, à Abidjan, en Côte d’Ivoire.
C’est en toute logique qu’elle illustre la pochette de l’album posthume du ténor de la rumba congolaise qui sort ce vendredi 28 octobre. Elle montre un artiste qui irradie, au sommet de son art. C’est cette dernière image que son entourage a voulu garder de lui, lui qui tenait tant à renouer avec les grandes scènes internationales et souhaitait présenter un album résolument tourné vers la jeunesse.
«Papa Wemba avait ce projet en cours. Il avait commencé à y réfléchir depuis Kinshasa et, quand il est parti, ça faisait plus d’un an qu’on y travaillait. On avait déjà enregistré tous les morceaux à Paris. Seule manquait la voix de MJ30, qu’on a rajoutée après coup», explique son manager Cornely Malongi.
De fait, rapporte la productrice Clémence de Bodinat, «il ne restait que le mastering à réaliser. Tout était prêt. Papa Wemba avait même déjà signé les documents pour la Sacem. Nous avons attendu que sa femme, son ayant droit, sorte de sa période de deuil pour lui soumettre l’idée de sortir cet album. Papa n’avait aucun secret pour sa femme. Elle savait que ce disque lui tenait tant à cœur. Elle a, bien sûr, accepté. C’était pour elle une manière de réaliser le dernier rêve de Papa Wemba».
Au départ, une envie: après le très congolais Maître d’école (2014), Papa Wemba voulait proposer un album différent, davantage tourné vers la world-music.
«Il était motivé comme jamais. L’idée de s’ouvrir à de nouveaux artistes et à de nouvelles influences musicales lui apportait un nouveau souffle», rapporte Amadou Diallo de Cantos Music.
Papa Wemba avait donc proposé aux congolaises MJ30 et Nathalie Makoma, au guinéen Sékouba Bambino, et au tanzanien Diamond Platnumz de le rejoindre. Son featuring avec ce dernier, icône de la jeune génération en Afrique de l’Est (dont le titre «Nana» enregistré avec Mr Flavour a été visionné plus de 17 millions de fois sur YouTube), est une véritable réussite.
«Chacun pour soi» est un morceau rafraîchissant où la kora et la guitare résonnent avec les sons électro et urbains de cette machine à tubes qu’est Dany Synthé, compositeur entre autres de «Sapé comme jamais» de Maître Gim’s.
«Dany Synthé avait composé un autre morceau, davantage “club”, qui aurait très bien fonctionné en boîte, mais Papa Wemba ne s’est pas retrouvé dessus. C’était pourtant celui que préférait Diamond, qui est sorti de sa zone de confort pour aller vers Papa Wemba. Tous les deux m’ont impressionné, car ils ont su se rencontrer en dehors de leurs univers respectifs. J’ai été fasciné par la capacité de Papa Wemba à s’adapter à tous ces styles de musique différents. Avec « Forever – De génération en génération », on comprend vraiment ce que world-music veut dire!», défend Amadou Diallo.
D’autres morceaux de facture plus classiques, voire empreints d’une profonde nostalgie, rythment l’album, sublimé par les guitares du Congolais Olivier Tshibanga et du Brésilien Toninho Ramos. Ces 12 derniers titres (Cornely Malongi le jure, il n’y en aura pas d’autres) chantés en lingala, swahili, bambara, français, espagnol et anglais, évoquent l’amour, les catastrophes naturelles, voulues par Dieu, et même Guillaume Soro!
«Le président de l’Assemblée nationale ivoirienne et lui étaient amis de longue date», confie Cornely Malongi.