Interview au journaliste et politicologue Babacar Justin Ndiaye, basé à Dakar.
Ses adversaires l’accusent de corruption et de fraude électorale. Et puis avec ses 86 ou 90 ans ans – il serait trop vieux. Pourtant Abdoulaye Wade est comme un vice-Dieu sur terre.
Pourquoi est-ce que les Sénégalais votent Abdoulaye Wade?
Les Sénégalais votent selon leurs choix. Le président Wade est à la tête d’un parti crée en 1974. C’est remarquable. 26 ans de combat pour accéder au pouvoir. Au passage, il a approfondi la démocratie. Les gens n’ont pas oublié son parcours assez courageux et patient.
Wade a aussi fixé bien des fidèles et des inconditionnels autour de lui. Cela représente son premier bassin électoral. Il en a un deuxième, constitué par des transfuges du Parti Socialiste, c’est-à-dire les vaincus de 2000. Il a également une capacité financière qu’il ne partage avec aucun autre candidat. Après tout il est le chef de l’état muni de la caisse noire (fonds secrets et / ou politiques) et du décret qui positionne les ministres, les ambassadeurs, les directeurs généraux, les Pca etc. Donc la machine à distribuer les privilèges.
Dans un pays sous-développé, lorsque vous avez la caisse noire et le décret, c’est-à-dire le pouvoir de modifier les destins, vous devenez pratiquement un vice-Dieu sur terre. A contrario, le président sollicite un bail irréaliste de sept ans, qui le conduiront à fêter son centième anniversaire, la tête du pays. Pour être poli, je dis que c’est absurde.
Wade a récemment visite la banlieue de Dakar. Qu’est-ce Wade a fait pour cette banlieue?
La banlieue n’est pas un sens interdit. Wade et tous les candidats sont libres d’y déambuler. Cela dit, Wade n’est pas venu à bout des inondations. Pire, les réalisations phares de son régime se concentrent ailleurs que dans la banlieue. N’empêche, son Parti a des bastions plus ou moins inexpugnables en banlieue, avec des hommes et des femmes comme Mamadou Seck, président de l’Assemblée ou la ministre Aminata Lo.
Qu’en est-il des accusations de fraude et de corruption?
Les élections dans au Sénégal sont très souvent contestées. Le système électoral est perfectible à l’infini. Depuis très longtemps on l’améliore. On est à la recherche d’un consensus rarement trouvable. Mais il faut faire avec. Et, surtout injecter une dose de sincérité dans le jeu politique.
Cependant, cette présidentielle se présente sous les pires auspices. La contestation de la candidature du président Wade a culminée avec des manifestations de rue et des crispations dans le champ politique. En amont, Wade a majoré les salaires d’une poignée de magistrats dont certains ont en charge la question électorale. D’où cette pollution qui a amplifié de magouilles synonymes de fraudes. Les citoyens se demandent pourquoi Wade s’est subitement intéressé au sort des magistrats?
Comment analysez-vous la campagne électorale de cette présidentielle 2012 comparée aux campagnes de 2000 et de 2007?
D’abord au niveau de la physionomie c’est la campagne électorale la moins joyeuse de l’histoire électorale de ce pays. Il y a plus de crispations que de détentes dans son déroulement. Des le départ, la controverse, la polémique et la violence ont été au rendez-vous.
La violence verbale et la violence tout physique ont émaillé la campagne électorale. C’est donc parti pour être une campagne mémorable au sens désastreux du terme. Le pire est sûrement devant nous. Le jour du scrutin et ses lendemains affichent un potentiel d’embrasement et de secousses.