Une soeur dévouée à ses soeurs!
Le HCR rend hommage à Soeur Angélique pour l’aide vitale qu’elle a apportée aux plus vulnérables, des personnes déplacées et des victimes des violences perpétrées par l’Armée de résistance du Seigneur (LRA) dans la province Orientale en lui décernant cette année la prestigieuse distinction Nansen pour les réfugiés.
La religieuse congolaise a reçu, mardi 17 septembre, le prix Nansen du Haut commissariat de l’ONU pour les réfugiés (HCR). Cette récompense lui est décernée pour son aide aux femmes déplacées par la sanglante rébellion ougandaise LRA.
Le prix Nansen récompense chaque année une personne qui a rendu des services exceptionnels à la cause des réfugiés. Comme les autres distingués, Soeur Angélique recevra une somme de 75 000 euros, offerte par la Norvège et par la Suisse, somme qu’elle a décidé de mettre au service des femmes congolaises déplacées. Voici son portrait.
Angélique est née dans le village de Kembisa, dans le sud de la Province-Orientale. Elle grandit dans une famille de six enfants que les parents, cultivateurs, ont tenu à envoyer à l’école.
La religion chrétienne tient une place importante, y compris chez la grand-mère qui l’élève une partie de sa scolarité. La studieuse fillette se rend donc le dimanche à la messe, où elle aime esquisser quelques pas de danse… A environ 9 ans, elle décide de vouer sa vie à Dieu, inspirée par la « sœur allemande Tonne ».
«Chaque fois, elle venait chez nous pour soigner les malades. J’ai eu pitié d’elle car elle était seule et il y en avait beaucoup… Elle n’avait pas le temps de se reposer, de manger. Je me suis dit que j’allais l’aider à avoir un peu de répit. A cette époque, je ne savais pas si les Africaines pouvaient devenir religieuses!»
Angélique se forme à Doruma où elle vit douze ans. En 2003, après un an et demi à Bangadi, la Sœur Angélique part pour Dungu, où elle commence à soutenir des femmes en difficulté.
«J’ai travaillé avec un groupe de femmes vulnérables qui ne savaient ni lire ni écrire, qui n’avaient pas de travail», se souvient la nonne, vêtue d’un ensemble en pagne, les cheveux recueillis sous un foulard.
Pour qu’elles puissent prendre en charge leur famille et leurs « maris fainéants », elle les alphabétise, leur enseigne la couture, la pâtisserie. Elle les encourage à cultiver leur champ communautaire, où poussent des haricots, du maïs, du riz, des courges, des bananes…
En octobre 2009, des déplacés arrivent à Dungu, fuyant la rébellion ougandaise LRA (Lord’s Résistance Army, l’Armée de Résistance du Seigneur), célèbre pour ses meurtres, pillages, viols, enrôlements d’enfants et esclavage sexuel.
Sœur Angélique quitte le couvent «la première», traverse l’étroit pont qui enjambe la rivière Kibali, et se réfugie chez les sœurs franciscaines.
Mais après environ deux mois, le danger surgit à nouveau, des coups de feu retentissent, la LRA est à Dungu-Centre. Cette fois, sœur Angélique se sauve à 25 km, en pleine brousse. Elle rentre en janvier 2010 et sera «la dernière» à regagner le couvent.
Sensibilisée au probléme des déplacés – actuellement 25 000 à Dungu – elle a décidé d’intégrer les rescapées des atrocités de la LRA dans ses activités génératrices de revenus.
«J’ai vu qu’il y avait beaucoup de distance entre le centre-ville», siège des activités de formation, «et les camps de déplacés, alors j’ai essayé de me rapprocher d’elles».
Sœur Angélique circule sur son deux-roues usé dans les rues chaotiques, le front perlant de sueur sous l’effort et la chaleur. Sur le chemin, il n’est pas rare qu’elle s’arrête pour saluer des habitants.
«Elle fait des blagues, elle est facilement abordable. Elle sait comment aborder les femmes, les mettre à l’aise», souligne l’abbé Rémi. Reste que, main de fer dans un gant de velours, la religieuse confie qu’il lui arrive de se fâcher pour montrer qu’elle «ne blague pas» toujours.
Comme les autres apprenantes, Pascaline, 42 ans, se dit très reconnaissante. Elle a appris la boulangerie, et la vente de petits pains lui a permis de faire face aux coups durs. Dernier épisode en date: deux de ses enfants tombés malades. « Avant de préparer la pâte, je priais et je portais des gris-gris pour que les pains soient vendus vite, vite… Sans ça, j’allais perdre l’un de mes deux enfants. Finalement, j’ai pu financer les soins des deux, et je n’ai pas de crédit à l’hôpital!», dit-elle avec fierté.
Depuis 2003, sœur Angélique a aidé « plus de 2 000 femmes », pour beaucoup victimes directes ou indirectes de la LRA. Dans le cadre de son prix Nansen – doté de 100 000 USD qu’elle va injecter dans les «activités des femmes» – elle fera une tournée.
Une escale est prévue au Vatican. En l’apprenant, elle n’a pas vraiment réagi. Mais dans la nuit, réveillée pour nourrir l’un des orphelins qu’elle héberge, elle s’est demandée ce qu’elle allait dire au pape François sur «le problème de la LRA».
«Quand j’ai pensé à cela, j’ai commencé à pleurer. Pleurer pour longtemps, presque trente minutes. J’ai parlé tant depuis 2008, jusqu’à maintenant. Je vais seulement me jeter à ses pieds pour lui dire pardon. Qu’il pardonne, que Dieu pardonne à Kony et ses bourreaux pour tout le mal qu’il a commis dans notre territoire et les territoires voisins», dit Soeur Angélique.