Vers où… sautera le verrou?
La pression de l’opinion publique américaine n’a pas eu raison de la détermination de la Banque mondiale (BM) à accompagner la mise en œuvre du projet hydroélectrique Inga III. Après le report en Conseil d’administration du dossier Inga en février 2014, c’est finalement le 20 mars prochain que l’organe de décision de la BM se penche sur l’appui supplémentaire à ce projet. Par ce regain d’intérêt à Inga III, la BM affiche son intention de faire sauter le verrou qui plombait ce projet.
Le retrait de la Banque mondiale (BM) dans le projet hydroélectrique Inga III n’aura été finalement qu’une fausse alerte. Après le retrait en février 2014 du dossier Inga III à l’ordre du jour du Conseil d’administration de la BM, suivi de la forte pression exercée par le Congrès américain sur l’appui des Etats-Unis, l’on pensait que le projet Inga III était totalement compromis.
Optimiste, la BM ne cessait d’indiquer qu’une voie de sortie était possible. Mais, c’était sans compter avec la pression populaire américaine, menée par International Rivers, une Ong basée à Berkeley (Californie). Mi janvier, celle-ci a réalisé un grand coup en parvenant à faire fléchir le Congrès américain. Selon des sources proches du dossier, dans la loi des finances des Etats-Unis pour l’exercice en cours, le Congrès américain a introduit une disposition indiquant que « le secrétaire du Trésor va donner instruction au directeur exécutif de chaque institution financière internationale que la politique des Etats-Unis est de s’opposer à tout prêt, don, stratégie ou politique qui appuie la construction d’un grand barrage hydroélectrique».
Comme si cela ne suffisait pas, fin janvier 2014, douze Ong congolaises ont adressé une lettre aux administrateurs de la BM et aux autres partenaires extérieurs pour remettre en doute la capacité de ce projet de combler le fossé énergétique en RDC. Ces Ongs redoutaient en même temps l’impact négatif de ce projet sur les populations locales, dont la survie est directement liée au fleuve Congo.
Voilà que, quelques semaines plus tard, la BM, celle-là même qui a semé le doute dans son implication dans ce projet en retirant le dossier Inga III de son conseil d’administration de février dernier, vient de se rétracter en réaffirmant son désir d’accompagner ce projet dans ses différentes phases.
La Banque Mondiale se ressaisit
La Banque mondiale aurait annoncé mercredi 5 mars 2014 la reprise des discussions sur le financement du projet Inga III, suspendues mi-février sur fond d’inquiétude de la Société civile américaine.
Le dossier est inscrit à l’ordre du jour du Conseil d’administration de la Banque mondiale, prévu le 20 mars prochain à Washington. Un projet de prêt de 73 millions USD pour la centrale Inga III devait être soumis à l’approbation des administrateurs de la Banque.
«Le Conseil des administrateurs se réunira le 20 mars prochain pour discuter de ce projet qui a le potentiel de transformer la vie de millions d’Africains, en RDC et ailleurs en Afrique, en leur donnant accès à de l’énergie propre et bon marché», confirme un document interne de la BM. Le document rend compte de l’objectif de la BM qui note qu’ «investir dans de tels projets porteurs de transformation qui élargiront l’accès des populations à l’électricité répond au double objectif du Groupe de la Banque mondiale d’éliminer l’extrême pauvreté et promouvoir une prospérité partagée».
La main invisible de Washington
Le projet Inga III est à un tournant véritablement décisif. Le revirement de la BM devait certainement booster la mise en œuvre de ce projet qui, à terme, exigera une bagatelle de 12 milliards USD pour une production estimée à 4.800 Mégawatts.
Si l’on devait s’en tenir aux déclarations du porte-parole de la BM, le projet Inga III est appelé à un bel avenir. L’Institution y croit déjà. Le projet de financement a été « actualisé » et garantit un «processus transparent et mené par le gouvernement congolais», a souligné David Theis, estimant que «ce projet peut améliorer la vie de millions d’Africains en RDC et ailleurs».
Le même document interne précise qu’ «une fois réalisé dans le respect des normes techniques, environnementales et sociales internationales, Inga 3 aura un impact considérable».
Il faut dire que d’intérêt de la BM cache dans une certaine mesure la main américaine. Sa nouvelle position est le reflet de grandes avancées enregistrées au sein de l’administration américaine par rapport au dossier Inga III. Washington, premier actionnaire de la BM, aurait pesé de tout son poids pour faire sauter le verrou qui obstruait la mise en œuvre de ce grand projet intégrateur. Le début des travaux est prévu en 2015 tandis que la mise en service est projetée pour 2020. Ce mégaprojet va compléter les barrages Inga I et Inga II, mis en service dans les décennies 1970 et 1980 et qui produisent actuellement 1.500 MW.
Selon les estimations, quelque 1.300 MW produits par Inga III seront destinés aux industries minières du Katanga, en proie à un important déficit énergétique. Le reste de la production est destiné à alimenter le réseau domestique.