Contre l’insertion après désertion!
La réintégration « aveugle et non encadrée » des déserteurs du M23 au sein de l’armée congolaise, pourrait être préjudiciable pour le pays, affirme Thomas d’Aquin Mwiti, président de la société civile du Nord-Kivu, dans l’est de la République démocratique du Congo (RDC).
Depuis le 21 avril, 87 combattants du M23, dont 12 officiers, se sont rendus par vagues successives dans les bases de la Mission des Nations Unies pour la stabilisation du Congo (MONUSCO) à Kiwanja, sur le territoire de Rutshuru, et à Nyiragongo, au nord de Goma, la capitale de la province du Nord-Kivu.
Dans la même période, le colonel Nzala Ngomo, et 81 autres combattants rebelles, ont fait défection pour se rendre aux Forces armées de la RDC (FARDC).
Julien Paluku, le gouverneur du Nord-Kivu, affirme qu’ils étaient, au 7 mai, 519 déserteurs à réintégrer l’armée, depuis 2012.
Ces redditions ont poussé le lieutenant-colonel Félix Prosper Basse, porte-parole militaire de la MONUSCO à parler d’une « accélération des capitulations des rebelles« .
Mais Mwiti déclare que « les mêmes erreurs produiront les mêmes effets« , craignant que ces « réintégrations automatiques ne soient une infiltration des rebelles dans les FARDC. Le gouvernement devrait d’abord mettre sur pied un mécanisme sur la réintégration et la surveillance des déserteurs qui peuvent, à tout moment, regagner la rébellion« .
Mwiti rappelle, à cet égard, les déclarations du colonel Ngomo, qui commandait le 41ème bataillon commando des FARDC lors de la prise de Goma en novembre 2012 par la rébellion.
« Ces responsables du M23 nous trompent et font tuer inutilement leurs combattants. Il n’y a aucun avenir dans ce mouvement armé« , avait déclaré Ngomo lors de sa réintégration, le 1er mai, devant la presse à Goma. Ce colonel avait, lui aussi, rejoint les rebelles lorsque le M23 avait pris Goma.
Cette tendance de la société civile affirme que certains déserteurs du M23 cherchent à se mettre à l’abri de la justice internationale dès lors qu’ils ont été cités dans des rapports des Nations Unies pour exactions et violations des droits humains contre les civils.
« Sur ce, nous exigeons l’application de la justice militaire dans sa rigueur contre ceux qui sont cités dans ces rapports« , ajoute Mwiti.
« L’armée est une idéologie commune. C’est imprudent de réintégrer ces déserteurs au sein des FARDC sans…savoir leur réelle motivation. Ils devraient d’abord passer par un centre de transit pour la rééducation« , estime Juvénal Munubo, un élu de Walikale (Nord-Kivu) et membre de la Commission de défense et sécurité à l’Assemblée nationale de la RDC.
Par contre, la ‘Ligue des jeunes’ de Rutshuru, un collectif de 24 associations qui luttent contre l’enrôlement de désœuvrés dans les groupes armés, encourage le gouvernement à réintégrer les rebelles sans condition pour « mettre fin à la guerre« , déclare Bienvenu Mazirane, président de ce groupe de la société civile de Rutshuru, selon qui, la peur a gagné certains combattants du M23 depuis l’annonce d’une nouvelle brigade des Nations Unies pour neutraliser tous les groupes armés dans l’est du pays. « Ils étaient disposés à se battre contre les FARDC, mais pas contre la brigade de la MONUSCO« , ajoute-t-il.
Mais malgré les défections dans ses rangs, le M23 est déterminé à se battre contre la brigade d’intervention rapide de l’ONU.
« Comme le gouvernement de Kinshasa refuse de signer le cessez-le-feu avec le M23, c’est cette brigade qui signera la fin de la guerre par la victoire du gouvernement ou du M23« , déclare le lieutenant-colonel Vianney Kazarama, porte-parole militaire de ce mouvement rebelle qui, en minimisant ces défections, affirme que la rébellion compte « 4.500 hommes pour sauver la RDC par le sacrifice du sang« .
Pour empêcher ses combattants de déserter et de se rendre à la MONUSCO, le M23 a installé une position d’observation à 30 mètres de la base de l’ONU à Kiwanja. Les rebelles ont même tiré, le 28 avril, sur deux policiers de M23 qui se rendaient avec armes à la MONUSCO. « Mais, ils ont réussi à accéder à la base de la MONUSCO« , indique Mazirane.
Selon la MONUSCO, les rebelles qui se présentent à elle, suivent le processus de « désarmement, démobilisation, rapatriement, réintégration et réinstallation, en collaboration avec les services de sécurité et de renseignements de la RDC« .
Par contre, les déserteurs qui se présentent aux FARDC sont directement réintégrés dans l’armée à partir de la base de Bweremana, à 50 kilomètres de Goma.
Paluku s’en félicite, décrivant les déserteurs comme des « enfants égarés qui sont retournés au bercail« . Le gouverneur du Nord-Kivu appelle les autres rebelles à suivre cet exemple.
Du côté des autorités nationales, personne n’a fait de déclaration sur le sujet. Le gouvernement ne fait que constater les défections, pour l’instant.