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ROBIN HAMMOND: Photographe néo-zélandais – «Donner une autre vision de l’Afrique»

Afric…lichés!

Le festival Photoreporter, à Saint-Brieuc jusqu’au 11 novembre, permet à des photographes d’exposer des reportages inédits, financés par le festival. Robin Hammond, l’un des 13 photoreporters sélectionnés, expose le fruit d’un long reportage sur les contrastes de Lagos, avec pour ambition de participer à «changer le regard» et de donner à voir la diversité, derrière les clichés.

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Prendre le temps de voir. C’est ce que propose le festival Photoreporter, dont la seconde édition se tient à Saint-Brieuc jusqu’au 11 novembre prochain. Et la proposition ne concerne pas que les 80 000 visiteurs attendus pour les expositions en accès libre. Elle s’adresse aussi aux photographes exposés. Car c’est là l’une des originalités de ce tout jeune événement dans le monde de la photo: les photographes ne présentent que des reportages inédits, réalisés pour le festival. Les photographes dont les projets ont été sélectionnés se voient de plus financer jusqu’à hauteur 10 000 euros. Là encore, le luxe du temps pour voir.

«Un fonds de dotation de 160 000 euros a été créé, financé par une quarantaine d’entreprises, pour financer la production et la réalisation des reportages exposés dans le cadre du festival. Il n’y a pas de thématique imposée. Dans une période de crise du photojournalisme, l’idée était de trouver un système qui permette aux photographes de travailler sur les sujets qui leur tiennent à cœur», explique Lenaïk Hemery, de l’organisation du festival.

Cette année, pas moins de 290 photographes de 46 pays ont présenté leurs projets. Treize ont été retenus.

Robin Hammond, photographe néo-zélandais de 38 ans qui vit désormais à Paris, est l’un de ceux-là. Ses photos donnent corps aux contrastes sociaux et urbains qui traversent la tentaculaire Lagos, au Nigeria.

«J’ai passé l’essentiel de ma carrière à documenter les questions d’atteinte au droits de l’homme et de développement. En tant que photojournalistes, nous avons le devoir de continuer ce travail. Mais j’ai aussi le sentiment que les médias ne voient l’Afrique que sous cet angle, celui de la pauvreté et de la violence. Or, il y a parfois des situations moins dramatiques qui sont, à mon avis, tout aussi importantes», explique-t-il.

C’est la raison pour laquelle, pour ce projet, il a choisi de poser son sac photo à Lagos, pendant sept semaines.

«C’est une ville exceptionnelle, qui ne cesse de s’étendre. Il y a une classe moyenne qui grandit également. C’est une ville qui a plusieurs visages, qui possède des facettes auxquelles on ne s’attend pas forcément», s’enthousiasme le photographe, dont l’un des leitmotivs est de «changer le regard porté sur l’Afrique par les médias».

Jeunes gens de la classe aisée nigériane profitant de la plage, centre commerciaux aux rayons bondés ou employés de bureaux dans des locaux aseptisés… Par ses images, Robin Hammond entend embarquer le visiteur au gré de ses propres étonnements.

«C’est exceptionnel de pouvoir travailler dans ces conditions. C’est très bien de travailler pour des magazines ou des ONG, mais on est évidemment dans une structure, on travaille dans un cadre, celui du lectorat, de ce qu’attend le média… Là, pendant sept semaines, j’ai été entièrement libre. C’est une chose pour laquelle les photographes ne cessent de se battre : raconter une histoire de la manière dont on la voit. Le festival de Saint-Brieuc m’a permis de le faire, c’est quelque chose de rare».

Aujourd’hui, Robin Hammond le reconnaît, il a lui-même mis du temps à faire tomber ses propres œillères.

«Quand j’ai commencé à travailler sur l’Afrique, je voyais le continent comme un tout, j’avais une idée très « exotique ». J’avais toujours voulu me concentrer sur des questions touchant aux droits de l’homme, et l’Afrique me semblait une évidence. Mais je n’en avais qu’une idée confuse, erronée». Et puis, au fil de ses nombreux reportages, son regard s’est ouvert, ses a priori ont commencé s’effacer. «J’ai découvert un continent d’une diversité extraordinaire, qui est dans un changement permanent. Plus j’y travaillais, et plus j’avais envie d’en découvrir».

En Afrique du Sud, où il s’installe pour 3 années, il cultive  le sentiment d’être là». Mais, tandis qu’il continue de mener des reportages pour des magazines ou des ONG, en 2010, il ressent une soudaine et violente « frustration ».

«J’ai regardé mon travail, et j’avais le sentiment de n’avoir rien fait de réellement marquant. J’avais l’impression de n’avoir en rien contribué à changer les choses, à faire évoluer le regard, mais au contraire de n’avoir fait que répéter des images déjà vues». Une remise en question brutale, pour ce photographe qui considère que le rôle de la profession est justement «d’apporter un regard neuf, de changer les perspectives».

Un événement, aussi, l’a poussé à faire évoluer sa pratique et son regard. En janvier 2011, alors qu’il couvre le référendum qui débouchera sur l’indépendance du Soudan du Sud, Robin Hammond découvre que les déficients mentaux sont enfermés dans la prison centrale de Juba.

«C’était vraiment dur», explique-t-il, «mais aucun magazine n’était intéressé par le sujet… Alors, j’ai commencé à mener l’enquête sur mes fonds propres, en Ouganda d’abord, puis dans d’autres pays. J’ai eu recours à du crowdfunding, également et j’ai obtenu une petite aide du magazine « Polka » (dans lequel il a publié un reportage sur les anciens enfants soldats au Liberia, ndlr)».

« Condemned« , qui rassemble les images qu’il tire de ce travail de longue haleine sont puissantes, dérangeantes, aussi. Au-delà du seul aspect esthétique, elles donnent aussi à voir des instants dont on ne peut qu’imaginer qu’il a fallu du temps, au photographe, pour s’imprégner suffisamment du sujet et des lieux pour pouvoir les capturer.

«Le problème, c’est que l’on traite trop souvent des sujets très importants en très peu de temps. C’est une réalité qui doit interroger notre intégrité, en tant que journaliste», insiste le photographe Néo-zélandais.

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