Rwand’Art!
Il y a un début à tout. Et dans le cas du Rwanda, il y a de nombreuses grandes premières, ou, pour être plus précis, une grande première depuis 1994. Cette année, c’est la première fois qu’un musée des arts accueille des artistes internationaux.
Le Musée des Arts Rwesero à Nyanza a inauguré une exposition présentant des oeuvres du photographe sud-africain Pieter Hugo, « Vestiges d’un génocide », et de la photographe néerlandaise Andrea Stultiens, « The Kaddu Wasswa Archive ».
De son côté, l’artiste spécialiste des techniques mixtes, Collin Sekajugo, d’origine rwandaise et ougandaise, apporte, avec une sculpture et quelques photos de ses sculptures, la touche finale à la collection qui porte sur le thème du génocide. Sekajugo affirme: « L’exposition est très importante pour moi en tant qu’artiste et pour le Rwanda en tant que pays. Elle ouvre la voie à la participation d’autres artistes au Rwanda pour atteindre un niveau plus élevé. Et elle est importante quant à la façon dont le monde extérieur nous regarde. »
« Avec le musée, nous voulons également créer une plate-forme, pour enseigner aux jeunes artistes et les amener à s’impliquer dans le développement des arts ici » dit Lia Gielin, la conservatrice néerlandaise au Musée des Arts Rwesero, qui espère que l’exposition des oeuvres des artistes internationaux permettra de stimuler le côté créatif des Rwandais.
Les arts peuvent jouer un rôle important dans le processus de guérison dans un Rwanda d’après-génocide, estime Alphonse Umuliisa, le directeur général de l’Institut des musées nationaux du Rwanda, qui souligne également que l' »autre rôle très important de l’art est qu’il peut réduire la pauvreté Il offre des opportunités illimitées« .
Sekajugo croit également en la puissance de guérison de l’art ou, comme il le dit, « utiliser l’art pour changer des vies« . A Kigali, il a créé Ivuka Arts, une organisation qui a pour vocation de bâtir une communauté, en fournissant aux jeunes artistes pleins d’avenir une plate-forme professionnelle. Des sculptures faites par lui et ses élèves sont exposées dans les lieux publics en Ouganda. Jusqu’à présent, ce type d’art n’existe pas au Rwanda, dit Sekajugo.
Dans le musée, les photos des sculptures de Sekajugo sont exposées aux côtés de celles du célèbre photographe Hugo Pieter, qui prit des photos, dix ans après le génocide, de lieux symboliques au Rwanda: des endroits où des barrages routiers avaient été dressés, là où des gens avaient été assassinés. Fiona Umutoni, la guide rwandaise du musée, a toujours un frisson dans le dos lorsqu’elle passe devant les images. « Et c’est la même sensation qu’éprouvent les visiteurs. Tout le monde est tellement impressionné par les images d’Hugo« , dit-elle.
L’oeuvre d’Andrea Stultiens est plus indirectement liée au génocide. Elle a rencontré un vieil homme en Ouganda, du nom de Kaddu Wasswa, qui a gardé des archives de sa vie. Il a tout documenté depuis l’âge de 12 ans. Andrea Stultiens a fait des centaines de photos des archives de Kaddu Wasswa et visité les lieux qu’il a documentés. La collection est un mélange de photos, de vidéos et des souvenirs personnels.
Sekajugo: « La collection de Kaddu Wasswa constitue une source d’inspiration pour les Rwandais pour documenter les événements de leur vie. Même si cet homme vient de l’Ouganda, ses documents montrent l’histoire d’un pays en proie à des troubles. C’est pertinent pour tout le monde dans cette région. »
L’exposition sera ouverte jusqu’à la fin du mois d’août de cette année. C’est le rêve de Lia Gieling de continuer avec les expositions internationales. Elle se rend compte que ça va être un défi, car il y a très peu de fonds pour le musée.
« L’art au Rwanda est comme un enfant qui commence à marcher. Il est présentement dans une phase très précoce. Vous devez le prendre par la main pour lui permettre de grandir. Mais avec le manque de financement, il sera difficile de faire venir des artistes internationaux ici ou d’éduquer les artistes locaux. Et c’est pour cette raison qu’il est difficile pour les artistes rwandais de se développer. On ignore encore le genre d’exposition que le musée va présenter à l’avenir. Tout comme l’on ignore l’avenir des arts en général au Rwanda. Il est à espérér que le « bambin » apprendra à marcher! » conclut Sekajugo, avec un voile de sceptisme.