Les hommes refuseront et diront: « nom »?
Si la loi est promulguée, au Rwanda, un homme pourra porter le nom de son épouse. La chambre basse du Parlement a voté une « loi sur les personnes et la famille » qui dispose que l’on peut porter le nom de son conjoint, sans distinction de sexe. Une révolution de plus dans un pays aujourd’hui reconnu pour la place accordée à la femme? Ou un scandale?
Si la loi est promulguée, au Rwanda, un homme pourra porter le nom de son épouse. La chambre basse du Parlement vient de voter une « loi sur les personnes et la famille » qui dispose que l’on peut porter le nom de son conjoint, sans distinction de sexe. Une révolution de plus dans un pays aujourd’hui reconnu pour la place accordée à la femme? Ou un scandale? « Porter le nom de ma femme ! Renoncer donc à mon nom au profit de celui de ma femme ! Mais cela veut dire aussi que nos enfants seraient, dans leurs documents officiels, fils et filles de leur mère alors que je suis un père reconnu ! C’est la première fois que j’entends parler de cela !«
Au Nord, la jeune mariée va habiter
dans le village de ses beaux-parents
Rencontré au marché de Cyeru, dans le district de Burera (nord du Rwanda), Samuel Maniragaba, 31 ans, n’en croit pas ses oreilles et il n’est pas le seul. Au Rwanda en général et dans cette partie septentrionale du pays en particulier, la femme, à son mariage, quitte le toit paternel pour aller vivre avec son élu, au village des parents de ce dernier. « Moi, ce que je conseillerais aux hommes prêts à porter le nom de leur femme, c’est d’aller vivre avec elle chez les parents de cette dernière« , renchérit Job Mukiza venu acheter quelques vivres pour son nouveau ménage.
Grâce aux nombreuses radios communautaires émettant actuellement sur le territoire national, même les Rwandais des milieux les plus reculés ont entendu parler du nouveau projet de « Loi sur les personnes et la famille ».
« Le mariage ne modifie pas le nom d’une personne »
Ce texte venu du gouvernement stipule en son article 40 : « Le mariage ou les vœux religieux ne modifient pas le nom d’une personne. Toutefois, avec le consentement des époux, un conjoint a le droit de porter le nom de l’autre conjoint pourvu que ce changement de nom ait été effectué devant l’officier de l’état civil du domicile du conjoint requérant.«
Après de longues discussions, le nouveau texte a été approuvé par la chambre des députés le 9 septembre, en dépit de l’opposition de certains parlementaires qui n’en voyaient pas l’intérêt. Il a fallu toutes ses prouesses oratoires du ministre de la Justice Johnston Busingye qui a expliqué que cette disposition n’avait rien de contraignant pour aucun des époux. Le texte doit maintenant être approuvé par le Sénat, avant d’être transmis à la présidence pour son éventuelle promulgation.
Les hommes ont des avis partagés,
mais les jeunes sont globalement favorables
« Moi, je ne vois aucun problème à porter le nom de celle que j’ai choisie. Pourvu qu’elle m’aime, comme je l’aime. Et qu’elle accepte que je porte son mon. Je pense que ce serait une autre façon de lui prouver que je l’aime et que je la respecte« , estime, pour sa part, Gérard Musabyimana, un jeune employé municipal, reconnaissant cependant qu’il n’y a pas beaucoup d’hommes à penser comme lui.
Félicité Nyiraneza, jeune femme d’affaires, semble appuyer Musabyimana mais pour des raisons un peu différentes. « Soyons francs ! Les choses ont beaucoup changé. Il n’est plus rare de voir un homme vivant dans une maison construite ou achetée par sa femme, roulant dans une voiture achetée par sa femme ou faisant le chic dans des costumes payés par sa femme. Pourquoi alors cette femme devrait-elle porter le nom de son mari. Pourquoi cet homme ne porterait-il pas le nom de femme? Dans un couple de ce genre, d’accord. Parce que les rôles traditionnels sont inversés« , dit Maniragaba.
Dans le sens de la culture rwandaise et la société moderne
Dans la culture rwandaise, les enfants ne portent pas forcément le nom de leur père, ni les femmes celui de leur mari. Bref, la notion de patronyme ne fait pas partie de la culture rwandaise.
« Moi, je pense que cette situation est plus sage. Surtout dans ces temps-ci où les ménages se font et défont du jour au lendemain. Avec la nouvelle loi, ceux qui se remarient souvent devraient changer de noms des dizaines de fois dans leur vie!« , argumente Helena Umurungi, jeune célibataire. « Je ne porterai le nom d’aucun homme et je n’autoriserai aucun homme à porter mon nom. Mon nom c’est mon nom. Un point c’est tout« , ajoute-t-elle.