Qui fait dégammer Kagamé?
Le président Paul Kagame a accusé la BBC de nier le génocide des Tutsis de 1994, après la diffusion, par la chaîne de télévision d’un un documentaire mettant sérieusement en cause le dirigeant rwandais.
Le président Paul Kagame a accusé la BBC de nier le génocide des Tutsis de 1994, après la diffusion, par la chaîne de télévision d’un un documentaire mettant sérieusement en cause le dirigeant rwandais.Intitulé «Rwanda’s untold story», le documentaire avait déjà suscité l’indignation des associations rwandaises de rescapés du génocide et d’une trentaine d’universitaires, experts, diplomates et journalistes, tous accusant la BBC de «promouvoir la négation du génocide» des Tutsis.
Dans un discours prononcé à l’occasion de la prestation de serment du nouveau président du Sénat, Paul Kagame a accusé mardi la BBC de «salir les Rwandais, de les déshumaniser, de nier le génocide» des Tutsis. Le discours a été rediffusé intégralement dans la soirée sur les ondes de la station gouvernementale, Radio Rwanda.
«Ils l’ont fait parce que nous sommes Africains et Rwandais. Ils ne peuvent pas faire un tel documentaire sur la Bosnie ou l’Holocauste, mais sur les Africains et les Rwandais ils le font et ils appellent ça la liberté d’expression. La liberté d’expression dont ils parlent est la même qui a permis à la Radio Mille Collines (RTLM, ndlr) d’appeler les gens à tuer les Tutsis en 1994», s’est révolté le chef de l’Etat rwandais.
Dans ce documentaire controversé, le président Kagame est accusé d’avoir commandité des massacres de civils hutus à grande échelle avant, pendant et après le génocide des Tutsis de 1994. Il y est désigné par des spécialistes du Rwanda et d’anciens compagnons d’armes aujourd’hui en exil comme le principal responsable de l’attentat qui coûta la vie au président hutu Juvénal Habyarimana, dans la soirée du 6 avril 1994. Cet attentat est généralement considéré comme l’élément déclencheur du génocide des Tutsis.
Le président rwandais y est également mis en cause pour des massacres de Hutus, plus tard en République démocratique du Congo (RDC) et pour la persécution d’opposants à l’intérieur comme à l’extérieur de son pays.
Interrogé dans le documentaire, l’ancien chef d’état-major de l’armée rwandaise, le général Kayumba Nyamwasa, aujourd’hui exilé en Afrique du Sud, affirme que «arrêter le génocide n’était pas le souci de Kagame. Pour lui, ce qui intéressait Kagame, alors chef de la rébellion du Front patriotique rwandais (FPR, aujourd’hui au pouvoir), n’était que la prise du pouvoir».
De son côté, l’universitaire belge Filip Reyntjens y affirme que Kagame est «le dirigeant le plus criminel en fonctions aujourd’hui».
Pour le président rwandais, la BBC est allé chercher, pour son documentaire, «tous les révisionnistes et les principaux génocidaire».
Dans leur lettre, la trentaine d’experts, universitaires, diplomates et journalistes demandent à la BBC de s’excuser auprès des victimes, l’accusant de «relayer trois accusations intenables: de mentir sur la vraie nature de la milice du Hutu Power (un des bras armé des massacres), de tenter de minimiser le nombre de Tutsis assassinés et d’accuser le FPR d’avoir abattu l’avion du président Habyarimana».
Dans sa réaction, une porte-parole de la BBC affirme que le documentaire apporte une «contribution de valeur» à la compréhension d’un sujet difficile. «La BBC réfute l’idée qu’une quelconque part de ce documentaire constitue une négation du génocide contre les tutsis», ajoute la porte-parole.