Wade en croisade!
L’ancien président de la République, Me Abdoulaye Wade n’a pas fait dans le détail en conférence de presse, vendredi 25 mai, pour se défendre des accusations de détournement de fonds et de biens publics portées contre son régime. Tout en ménageant le président Macky Sall, il a taclé Aminata Tall et ne s’est pas privé d’attaquer Moustapha Niasse et Ousmane Tanor Dieng, voire d’annoncer l’exclusion de Pape Diop du Pds.
D’emblée, Me Wade s’est voulu catégorique contre ces dites accusations, défendant bec et ongles son pré carré, son régime et ses anciens ministres contre toutes les allégations de détournement portées en leur endroit. Ce qui devait passer par un recadrage de la réalité pour la conformer aux faits, a fait savoir Abdoulaye Wade, pour qui l’affaire des 600 voitures du Palais de la République est une bulle d’air qui reste, à la limite, un délit et une voie de fait à l’actif de la secrétaire générale de la Présidence, Aminata Tall, qui a décidé d’immobiliser ces voitures au niveau des gendarmeries.
Et l’ancien président d’asséner: «Lorsque je suis arrivé au pouvoir en 2000, il n’ y avait que dix voitures au niveau du palais dont deux laissées par Senghor devant être reléguées au musée et deux autres par Abdou Diouf. C’est sous mes mandats que j’ai acquis les voitures qui sont aujourd’hui immobilisées. J’ai acquis pour le compte de l’Etat plus de 600 véhicules que l’Etat n’a pas payés. Ces voitures que j’ai acquises grâce à mes relations dans le monde ont été réparties aux agents de l’Etat, aux services, aux ministères et à l’administration. On est aujourd’hui en train d’immobiliser des véhicules que j’ai achetés et dédouanés pour ma propre campagne électorale. L‘immobilisation du véhicule d’un propriétaire est une atteinte au droit du propriétaire. Le juge des référés n’aura pas besoin d’aller au fond du dossier pour dire le droit et me rendre droit».
Abdoulaye Wade ne s’en est pas limité là dans son réquisitoire. L’ancien président sénégalais a rejeté catégoriquement les accusations de transfert par son régime de 400 milliards CFA vers l’étranger. Me Wade a qualifié ces attaques de « ridicules », car elles démontrent d’une ignorance réelle des mécanismes financiers. L’ancien président sénégalais a rappelé, de manière docte, qu’une telle transaction n’est possible qu’avec l’accord de l’UEMOA (Union Economique et Monétaire Ouest Africaine et de la BCEAO (Banque Centrale des Etats de l’Afrique de l’Ouest).
«On a dit que mon régime a transféré 400 milliards CFA. Du Sénégal, on ne peut pas transférer de l’argent vers l’étranger si ce n’est dans une autre monnaie autre que le Cfa, sans l’accord des autorités de l’Uemoa, sans l’accord de la Banque centrale», a expliqué Me Wade, estimant qu’il fallait vérifier l’existence d’une telle transaction avant d’accuser son régime, Me Wade a interpellé le monde de la presse pour un traitement plus professionnel des informations.
L’affaire opposant l’ancienne première dame, Mme Viviane Wade, et la fondation suisse Antenna Technologies n’a pas été laissée en rade par Me Abdoulaye Wade. Il a qualifié cette affaire de «manipulation machiavélique montée de façon très astucieuse» pour arracher à son épouse sa fondation.
L’ancien président sénégalais a alors complètement blanchi son épouse qui ne serait en rien concernée dans la créance d’environ 835 millions CFA liant la fondation de Viviane Wade à la fondation suisse Antenna Technologies. Et d’indexer l’ancien administrateur de la fondation Education Santé qui serait à l’origine de l’emprunt et donc du contentieux.
Me Wade s’est alors offusqué de la tournure qu’on faisait prendre à cette affaire alors même que les avocats des deux fondations étaient en discussion pour un règlement à l’amiable. Pis, dira l’ancien président de la République, le ministre sénégalais de la Justice s’est empressé de saisir le procureur de la République sur la question alors même que «l’avocat de la fondation suisse a dit qu’il n’a jamais porté plainte». Au final, Me Wade qui a révélé qu’une procédure avait été engagée depuis, «pour payer et avoir la paix» a certifié que son épouse n’était en rien impliquée dans cette créance. «On la salit pour me toucher. Mais moi, je ne suis pas homme à me laisser faire».
Dans le même ordre d’idées, Me Abdoulaye Wade a démenti toutes les accusations alléguant qu’il aurait emporté avec lui les fonds politiques après la présidentielle comme celles qui ont trait à une prétendue gestion nébuleuse de l’aéroport de Diass. Pour Me Wade, tout cela dénote d’une méconnaissance réelle des mécanismes de vote du budget ou selon du montage financier.
Abdoulaye Wade s’est dit également prêt pour un audit de son régime, affirmant formellement: «Je suis d’accord pour les audits. On n’audite pas un chef d’Etat, mais moi je suis prêt. Demain, qu’ils viennent m’auditer. Je suis volontaire et alors?». Me Wade a toutefois prévenu qu’aucune faute de gestion ne pourra ne lui être reprochée. N’empêche, Me Wade a adressé un avertissement au nouveau président de la République, en cas d’audit: «On parle de tous mes gouvernements, mais dans mes gouvernements, il y avait Macky Sall».
Et de poursuivre: «Il n’y a rien à auditer. Je n’ai pas d’argent dans les banques ni ici ni à l’extérieur du pays. Je n’ai pas d’argent dans les banques ici comme ailleurs et je suis prêt à délivrer une procuration notariale à quiconque pour aller vérifier partout si je dispose d’argent quelque part».
Tout en reconnaissant cependant la nécessité de procéder à des audits, chose qu’il juge « très normale » pour un nouveau gouvernement, Me Wade a exigé que cet audit soit étendu aux régimes qui ont précédé le sien, à savoir ceux des anciens Présidents Senghor et Diouf.
A ce niveau, l’ancien président de la République a lancé des piques acerbes vers Ousmane Tanor Dieng et Moustapha Niasse, plus ou moins incriminées dans de sombres affaires de détournements. L’affaire des licences de pêche pour la Coupe d’Afrique des nations de 1992, révélée à l’époque par Sud quotidien, sera mise au nez du secrétaire général du Parti socialiste, chargé alors des Affaires présidentielles, en exemple notoire de détournement de deniers publics.
Quant à Moustapha Niasse, ancien Premier ministre sous Wade, il sera reproché d’avoir sa villa à Fann avec une somme de 2 millions CFA, après le départ des assistants techniques, et surtout d’avoir détourné sous le gouvernement d’Habib Thiam, et pour le compte de sa société Itoc les licences de pétrole dont devait bénéficier le Sénégal auprès du Nigéria.
Au final, l’ancien chef de l’Etat sénégalais a proposé l’institution d’un jury d’honneur pour faire la lumière sur les accusations de mauvaise gestion dont fait l’objet son régime. Cette instance pourrait être constituée, selon Me Wade, de 5 ou de 6 membres, tous d’anciens chefs d’Etat africains et/ou de personnalités indépendantes pour venir éclaircir la gestion passée de son régime, de 2000 à 2012. Ce jury, selon Me Wade, pourrait être érigé «sur une base paritaire» et les membres nommés de façon équitable par le Président Macky Sall et lui-même. Il aurait alors pour mission de faire; de manière indépendante, «des enquêtes et donner des conclusions».
Une telle initiative aurait pour conséquence, a affirmé Me Wade, de mettre fin à toutes ces accusations erronées portées contre son régime, ses anciens ministres voire son fils, Karim Wade. Un ministre à qui on reproche des choses insensées alors qu’il n’est en rien impliqué. Et l’ancien président de la République de donner en exemple le cas de l’ANOCI et où Karim Wade n’était que le président du Conseil de surveillance et non l’administrateur. Et Wade de conclure qu’à la limite, il avait l’impression que«Karim était poursuivi pour le délit de fils de Président»
Me Abdoulaye Wade a fini par demander avec véhémence l’arrêt des accusations contre son régime. A défaut, il serait obligé de réagir. Ce qui risquerait de créer un véritable clash. Néanmoins, dans un souci d’apaisement, Abdoulaye Wade a tendu une main conciliatrice à Macky Sall qui «s’est nourri au lait du libéralisme». Tout en faisant remarquer qu’il est un homme disposé à la paix, il a solennellement recommandé à Macky Sall de faire preuve de prudence par rapport aux accusations contre son régime.
Pour cela, il a demandé à son ancien Premier ministre et aujourd’hui Chef de l’Etat de s’assurer de la véracité des allégations de ses collaborateurs avant toute action ou décision.
«J’ai vu que vous m’avez traité avec déférence tout au long de la campagne, je vous recommande d’arrêter toutes ces accusations et de se référer aux dossiers. Toucher à un de mes ministres, c’est me toucher moi-même. Or, j’ai les moyens de riposter face à ces attaques».
Rappelant que «la résistance à l’oppression peut mener même à la lutte armée», Abdoulaye Wade a fait remarquer qu’il n’était pas dans son intention de «déstabiliser le régime en place». Au contraire, son objectif est de mener une opposition démocratique ; dans la droite ligne de son combat politique et de son itinéraire.