Karim rime… avec revanche?
Avec l’opération « Mains propres », entamée par Macky Sall dès le lendemain de sa prise du pouvoir, on savait que de nombreuses personnalités de l’ex-pouvoir défileraient devant des officiers de police judiciaire, voire devant des juges. Et si quelques caciques de la galaxie Wade ont fait de la résistance avant de déférer aux convocations, tel Ousmane N’Gom, l’ex-ministre de l’Intérieur, qui a dû être amené de force de Kolda à Dakar, d’autres par contre, parmi lesquels Karim Wade, se disaient prêts à être entendus à tout moment.
Ainsi donc après l’ex-ministre des Finances, l’ancien président du Sénat, un ministre de l’Intérieur et plusieurs autres bonzes du régime libéral, ça a été le tour de Karim Wade a etre entendu par la gendarmerie de Colobane. Rentré samedi 30 juin 2012 pour accomplir son acte citoyen le lendemain 1er juillet lors des législatives, celui qui officia dans une vie antérieure comme ingénieur financier dans une banque londonienne a tenu parole et montré qu’il était un justiciable comme les autres (?).
Sans doute la suite de ces audits et auditions donnera un aperçu de ce qu’il adviendra. En attendant, on ne peut s’empêcher de penser à deux choses dans cette affaire Karim Wade:
– d’abord, l’interrogatoire par le capitaine de gendarmerie M’Bow, de ce géant de 1,90 m, « photocopie » conforme de « Gorgui », son père, avec 42 ans de moins, pourrait avoir trait à sa gestion de l’Agence nationale de l’organisation de la conférence islamique (ANOCI), dont il était le président du Conseil de surveillance.
Beaucoup de Sénégalais reconnaissent qu’en matière d’infrastructures, « Rimka » (surnom inversé de Karim) a métamorphosé la capitale sénégalaise: la corniche Ouest, le tunnel de Soumbedioune, le prolongement de la VDN… les réalisations hôtelières, bref, Karim a ajouté de la terre à la terre, convenons-en. Cependant, certains subodorent que l’intéressé a puisé dans les milliards octroyés à l’ANOCI. La suite de l’enquête prouvera ce qu’il en est exactement. Pour le moment, il est supposé innocent;
– ensuite, cette audition de Karim fait penser à une douce revanche du président Macky Sall, qui, quelque part même s’il s’en défend, doit boire du petit lait: en effet, en 2008, pour avoir osé convoquer Karim Wade à l’Hémicycle pour qu’il s’explique sur sa gestion de l’ANOCI, convocation jugée « cavalière » par le père, le fils et tous les proches, Macky Sall, alors occupant du perchoir, a été débarqué. Non sans à avoir subi les foudres des faucons de l’Assemblée nationale, été cornaqué par Doudou Wade, cousin du chef de l’Etat, et avoir essuyé toutes sortes de tracasseries politiques.
Abdoulaye Wade, qui avait déploré non la convocation, mais la méthode avait fait semblant de pardonner à l’enfant de Fatick, sans doute pour amadouer le chef des Mourides, qui avait intercédé en faveur de Macky Sall, mais chacun savait sa rancune tenace, surtout que le choix de son fils biologique pour lui succéder, au détriment de cet autre dauphin putatif qu’était Sall, ne laissait place à aucun état d’âme. Retournement donc de situation en 2012.
L’histoire a ceci d’ironique que ce qui était impensable à l’instant T devient une réalité d’une banalité déconcertante 3, 4 ou 5 ans après. Wade père et fils ainsi que tout le PDS en font aujourd’hui l’amère expérience.