Nom d’un nom!
Il n’est pas rare que l’on se pose la question de savoir d’où nous viennent ces noms des villes. En creusant, on peut découvrir toute une histoire derrière le nom de chacune des villes. Certains sont inventés à dessein pour inciter des personnes à y habiter. D’autres par contre sont les résultats d’altérations. Parfois des communautés se disputent la paternité d’un nom. Dans tous les cas, chaque nom de ville à une petite histoire à raconter.
Il était une fois deux frères. L’un s’appelait Omar, et l’autre Moctar Lô. Ils vivaient dans le Ndiambour dans un village du nom de Mbabouk. Devenus majeurs, Moctar et son frère s’en allèrent chez les maures pour apprendre le saint Coran. Après la maîtrise du Livre saint, ils décident de rentrer chez eux. Mais, en cours de route, Omar décide de s’installer dans une localité non loin de son village d’origine pour enseigner le Coran aux autres habitants. Et c’est ce qu’il fit. Son frère, lui, retourna dans son village d’origine. Omar qui était resté pour enseigner le Coran, eut des terres à cultiver, des femmes aussi, bref une famille. Passé un certain temps, lorsque leur père vit que son fils ne revenait toujours pas, il envoya son frère pour lui demander de rejoindre le village natal. Et Omar répondit à son frère «Loug na fi» qui signifie en français : «Je me suis enlisé ici.». Ce mot, au fil des temps, va se raccourcir et devenir «Louga». Ainsi naquit le nom de l’actuelle capitale du Ndiambour, d’après Youssou Mbargane, premier vice-président du réseau des communicateurs traditionnels du Sénégal, et par ailleurs chargé de la commission Culture à la mairie de Louga. Un nom qui, en apparence, n’a rien d’une langue locale.
Quand Louga dérive de «Loug na fi»
Combien de fois, en traversant une ville ou en s’y installant, on s’est posé la question de l’origine des noms qui, parfois par leurs consonances, semblent étrangers aux langues locales. Nous prononçons les noms des villes, nous les traversons ou y habitons sans nous douter que, derrière ces noms, se cache parfois toute une histoire aux allures de conte de fée. Et Louga n’est pas la seule ville à avoir des histoires à raconter sur l’origine de son nom.
Sur les registres officiels, la ville de Mame Coumba Lamba porte le nom de Rufisque. Mais pour les lébous, leur ville se nomme «Tengue Diédje», l’étang au bord de la mer. Un nom qui s’est raccourci depuis. Selon El Hadj Maguette Sèye Sidia, chef coutumier et coordonnateur des délégués de quartier de Rufisque, le nom de cette ville serait à attribuer aux habitants du village de Kounoune qui se trouve à quelques kilomètres de Rufisque. Il explique que ces derniers, avaient, chaque après-midi, l’habitude de voir un chien revenir au village avec un poisson tout frais. Et là, les villageois se sont dit que là où va le chien se trouve forcément de l’eau. C’est ainsi qu’un après-midi, ils décidèrent de suivre le chien. Et c’est là qu’ils découvrirent un étang aux abords de la mer. Pour désigner l’emplacement de l’étang, les habitants de Kounoune ont pris l’habitude de l’appeler «tengue guédje» qui veut dire l’étang au bord de la mer. Ce nom, comme les autres, s’est raccourci au fil des années pour donner le nom que tout le monde connaît aujourd’hui Tenguèdje.
Le canari de Ndar
Le nom de Saint-Louis désignant l’ancienne capitale de l’Afrique de l’Ouest Francophone (Aof) nous vient des Français, en hommage à leur roi. Mais qu’en est-il de celui traditionnel de Ndar? Selon Zabi Ndiaye, communicateur traditionnel, le nom Ndar serait la déformation de celui de Ndâ qui veut dire vase, ou canaris. Et pourquoi désigner ainsi une ville ? Il explique que le premier village de la région voisine de l’embouchure du fleuve Sénégal, Leybar, fut fondé par Yamnone Yalla Boye, qui venait du Fouta avec sa femme Ndyénna Foul Diop et quelques membres de sa famille. Arrivés au bord du fleuve, ils burent un peu d’eau qu’ils trouvèrent bonne et douce. Alors, Yamnone déclara : «Voici quel sera à l’avenir notre Ndâ». Toujours d’après le communicateur traditionnel, cet endroit était tout près de l’emplacement actuel de Leybar, à l’embouchure du marigot de Khor. Le village qui y fut fondé s’appelait Ndâ et ce fut le premier marché du pays.
Plusieurs versions se côtoient quant à la signification du nom de Mbour. Dans ces multitudes de versions, Sérère et Mandingue se disputent la paternité du nom. Difficile de trouver la bonne. Alors en voilà quelques-unes aussi plausibles les unes que les autres. Selon le professeur d’histoire et de géographie Samba Niébé Bâ, Mbour signifie en Sérère «Ambour andete» qui veut dire: «Ils sont partis et ils s’y sont installés.» Une autre version, également sérère, existe. Cette dernière explique que c’est un habitant de la localité du nom de Mbour Faye qui aurait donné son nom à la localité. Chose que réfutent les mandingues de la localité. Toujours selon Samba Niébé Ba, pour les mandingues, le nom de Mbour se rapporte à une ville en Guinée-Bissau. Cette localité se nomme Mbour Dabo. Cette ville homonyme de celle de la Petite côte se trouvait dans le royaume du Gabu. Elle a survécu et existe toujours. Elle porte encore le nom de Mbour Dabo.
Tambacounda : chez les Tamba
Dans le sud-est du pays se trouve la région de Tambacounda qui est actuellement la plus vaste du Sénégal. Contrairement à la ville de Mbour, la paternité du nom n’a pas plusieurs versions. D’après Ousmane Diallo, journaliste et correspondant du groupe Wal Fadjri dans cette localité, c’est un chasseur du nom de Tamba Diatta qui aurait donné son nom à cette localité. Originaire de la Casamance, le chasseur s’est aventuré dans ces contrées à la recherche de gibiers. Arrivé sur l’actuel emplacement de la ville, il s’y installa avec famille. Alors les habitants des localités environnantes, pour désigner son village l’appelèrent, «Tambacounda» qui veut dire, en mandingue, «chez les Tamba».
La région de Kédougou, qui naguère était un département de la région de Tambacounda, signifie : «la terre des hommes» en sarakholé, une langue apparentée à celle mandingue. D’après Founédjé Cissokho, actuel surveillant général du lycée technique de la ville, la paternité de ce nom est à attribuer à un marabout sarakholé qui cherchait un lieu où s’installer et enseigner le Coran. Arrivé dans l’actuel emplacement de la ville, il trouva que le lieu était adéquat et se dit alors qu’il sera la terre des hommes, en opposition à la savane qui l’entoure et qui est celle des animaux. Voilà comment naquit le nom de Kédougou.
Il est connu de tous que les baïnouk sont les premiers habitants de la Casamance. Aussi est-il naturel qu’ils donnent leur nom à une partie de cette région. Selon le Professeur Nouha Cissé, conférencier et actuel président du Casa Sport, c’est la déformation du nom d’un clan baïnouk de la famille Kabo qui est à l’origine du nom de Ziguinchor. Ce clan avait pour nom: Eziguithios. Toujours d’après Nouha Cissé, ce clan a créé un petit village au bord du fleuve Casamance, qui se situe dans l’actuel quartier de Boudody. Le nom Eziguithios, par altération, est par la suite devenu le nom que l’on connait tous : Ziguinchor. Ce clan baïnouk fut le premier à entrer en contact, en 1645, avec les colons portugais lorsque ces derniers débarquèrent dans le sud du pays. Néanmoins, plusieurs versions sont à ce jour véhiculées comme celle créole de Sinta bou tiora qui veut dire: assis-toi et pleure. Une version en référence aux difficultés rencontrées par les colons pour soumettre cette partie du pays. Mais pour Nouha Cissé, cette version est peu plausible.
Les sérères de la branche Niominka seraient les parrains de la ville de Kaolack, d’après Mame Mody Mboup, directeur des Cours d’excellence de Kaolack. Selon ce dernier, avant l’arrivée des colons, les Niominka s’étaient installés sur un bras du fleuve Saloum. Ils étaient, pour la plupart, des familles de pêcheurs et de chasseurs. L’emplacement de leur premier lieu d’installation est ce qui est aujourd’hui le quartier de Ndangane. Parmi ces nouveaux arrivants se trouve un chasseur du nom de Ngaly Sarr. Et c’est de lui qu’est venu le nom de Kaolack. Selon Mody Mboup, un jour, lorsqu’il partit à la chasse, des colons avaient fait irruption dans sa concession. Ils y trouvèrent sa femme. Lorsque les colons demandèrent à cette dernière où se trouve son mari, elle rétorqua que Ngaly était parti à la chasse, en désignant la forêt. En sérère, la chasse se prononce : «Ngawlax». Ce mot, comme tous les autres noms des villes, a connu une altération pour donner ce qui est aujourd’hui Kaolack.
Les lébous sont les premiers habitants de la ville de Dakar (la Presqu’île du Cap-Vert). Alors, qui mieux qu’eux pour donner la signification du nom de la capitale du Sénégal. A la mosquée de Santhiaba à la rue 22, dans le quartier de Médina, se regroupent des personnes âgées appartenant à la communauté Léboue. Selon certains d’entre eux, le nom de Dakar viendrait de «Ndakaru : «Deukeu Raw». Ce qui veut: «Celui qui y habite, dépassera les autres». Cette assertion, cache aussi un mystique selon le frey Daouda Diop, a été utilisée par les dignitaires de l’époque pour inciter les gens à venir s’y installer. «Avant, certains lieux qui allaient devenir Dakar étaient presque déserts. Alors, c’est comme si on faisait de la propagande pour amener le plus de personnes». Ce qui a apparemment marché.
D’autres noms ont aussi des origines presque similaires à ceux cités ci-dessus. L’un d’entre eux serait juste une altération d’un petit mot prononcé au quotidien, comme cela semble être le cas pour ce qui concerne la capitale du Fogny, Bignona. En effet, le nom serait juste une altération de salutations. Dans la mémoire collective de la ville, ce sont des passants qui, dès l’aube, traversent la ville qui, à l’époque, était un tout petit hameau pour vendre leurs produits. Arrivés à la hauteur des premières concessions, ils s’écriaient en diola pour échanger des politesses: Boudioné ! Qui veut dire : «Comment allez-vous?» Une salutation qui est vite entrée dans les annales locales pour donner le nom de Bignona.
La région de Kolda devrait son nom à un couple qui s’y était installé bien avant l’arrivée des colons. L’homme se nommait Koly, et la femme Dado. C’est l’assemblage de ces deux noms qui a donné Kolydado. Puis les colons l’ont raccourci en Kolda.
Ndiarème ou Diourbel signifierait: «kou diar yémou». Qui veut dire: «Tous ceux qui y passent sont impressionnés.» De quoi ? On l’ignore. Mais d’aucuns diront que c’est en référence à la présence aux environs de la ville du fondateur du mouridisme Cheikh Ahmadou Bamba.
Le Mali partage avec le Sénégal des kilomètres de frontière. Son nom veut tout simplement dire: Hippopotame en Bambara. Et sa capitale Bamako signifierait toujours dans cette langue: «le dos du crocodile».