« Jammeh » de la… mort?
Avec l’invitation de Macky Sall à la 44e fête de l’indépendance de la Gambie, Alioune Tine et Cie accusent Jammeh de vouloir endormir le Sénégal pour faire oublier l’exécution de Tabara Samb et Djibril Bâ. Ainsi, ils ont invité le président sénégalais à exiger la restitution des corps à leur famille.
Cinq associations, RADDHO (Rencontre Africaine pour la Défense des Droits de l’Homme), Article 19, Amnesty International Sénégal, Coalition pour le Changement en Gambie et CSAG (Association des Organisations de la Société Civile Gambienne), s’étaient déclarées contraires à la visite de Macky Sall en Gambie, dans le cadre de la célébration de la 48e fête de l’indépendance célébrée, lundi 18 février.
Pour ces organisations, l’exigence du respect des droits humains, suite à l’exécution des Sénégalais Tabara Samb et Djibril Bâ en août 2012 et dont les corps ne sont, jusque-là, pas encore restitués à leur famille, aurait valu qu’il ne s’y rende pas. Elles ont exprimé leur préoccupation quant à la motivation de l’invitation du président gambien, Yaya Jammeh, à son homologue sénégalais.
«Comme si le président Yaya Jammeh jouait la carte de la décrispation et de l’endormissement de l’Etat sénégalais pour faire oublier l’exécution des Sénégalais Tabara Samb et Djibril Bâ en août 2012 dont les corps ne sont, jusque-là, pas encore restitués à leur famille. Nous demandons au président Macky Sall de ne pas sacrifier l’espoir de justice des centaines de victimes de violations graves et massives des droits humains en Gambie, sous l’autel d’une diplomatie d’apaisement et d’exiger la lumière et la restitution des corps des Sénégalais exécutés sur ordre du président Jammeh. Aujourd’hui, des centaines de personnes sont illégalement détenues dans les geôles gambiennes. Après des procès politiques iniques, certains sont torturés à mort et ceux qui ont la chance de survivre subissent des atrocités. Parmi ces détenus, on peut noter Imam Babah Leigh, arrêté depuis le 3 décembre 2012 par les services d’intelligence et dont on est sans nouvelles. Des anciens ministres, des journalistes et agents de sécurité sont régulièrement arrêtés et emprisonnés sur des bases sordides».
Ces droits de l’«hommiste» ont rappelé à Macky Sall l’exécution de Daouda Bodian, le lieutenant Malang Sonko, les sergents Lamine Jarjou et Aly Bah, Lamin F. Jammeh, Tabara Samba, Bouba Yarboe, Lamine Darboe et Gilbert Bah. «Au moment où il est invité à se rendre en Gambie, l’imam Baba Ly et Omar Boune Mbaye sont encore emprisonnés sans avoir accès ni à leurs avocats, ni à leur famille. Et beaucoup d’autres Gambiens sont dans la même situation. Aussi, le jeune Sénégalais Saliou Niang est en attente d’une exécution».
Ce qui irrite ces militants des droits humains, c’est que le Comité International de la Croix Rouge (CICR) n’a pas été autorisé à rendre visite aux détenus, ainsi que le prévoit le droit international humanitaire. C’est pourquoi, ils tirent la conclusion selon laquelle la Gambie qui abrite le siège de la Commission Africaine des Droits Humains viole, de manière impunie, ses obligations internationales et régionales et refuse, systématiquement, de respecter les décisions de la Cour de justice de la CEDEAO (Communauté Economique des Etats de l’Afrique de l’Ouest) et de la Commission de l’Union Africaine (UA).
«Le Sénégal a une responsabilité particulière dans la promotion de la Charte et de la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples. Car le président Senghor a été un des tout premiers initiateurs de cette Charte; et le Sénégal a toujours joué un rôle prééminent dans le respect des droits et de la dignité de la personne humaine. Le Sénégal doit rappeler, sans cesse, que les droits humains sont sans frontière et que l’impunité et les violences du régime sur les citoyens gambiens pourraient menacer la stabilité de la sous-région», soulignent ces organisations.
Au demeurant, les camarades d’Alioune Tine avaient invité le président Macky Sall, s’il se rendait à Banjul, à exiger la lumière sur les Sénégalais exécutés et la restitution de leur corps. Mais également, ils ont demandé à Macky Sall de ne pas se laisser embobiner par les promesses de Jammeh sur sa volonté et sa capacité à aider le Sénégal à résoudre le conflit casamançais.