Pillards de milliards?
Le ministre des Infrastructures et des Transports, Thierno Alassane Sall, a levé un autre coin du voile dans l’affaire dite des biens mal acquis. Il accuse Karim Wade d’avoir détourné plus de 2,4 milliards CFA dans le domaine aéroportuaire par le biais d’une société écran, Daport S.A, entre mai 2009 et avril 2012.
Revenant sur la genèse de l’aéroport international Blaise Diagne de Diass, il rappelle qu’à la suite d’appels d’offres internationaux, la société Saudi Binladen Group (Sbg) et le Consortium Fraport AG/Contrac Flughafen Konzessions Gmbh, ont été sélectionnés et retenus, respectivement pour la construction et la gestion du nouvel aéroport.
Le 19 décembre 2006, dans le cadre de la sous-traitance totale de la gestion et de l’exploitation de l’aéroport de Diass, la société Aibd. Sa a contracté avec la société Daport, constituée par le Consortium Fraport AG/Contrac Flughafen Konzessions Gmbh, une concession aéroportuaire d’une durée de 25 ans.
Seulement, selon le ministre, le principe retenu dans le processus de sélection du gestionnaire de l’aéroport de Diass, à savoir un gestionnaire d’aéroport de renommée internationale, et ce, conformément aux recommandations du Fmi et de la Banque mondiale, a été «dévoyé». En effet, relève-t-il, il ressort des montages des sociétés Afriport et Daport que l’entreprise Fraport AG, qui excelle dans la gestion et l’exploitation d’aéroports, n’est engagée qu’à hauteur de 10% dans l’exploitation de l’aéroport de Diass; alors que la société Contrac Flughafen Konzessions Gmbh, l’autre membre du Consortium ayant remporté le marché de gestion de Diass, avec 90% des actions d’Afriport, se retrouve de fait le réel exploitant de l’aéroport international de Diass.
Problème! Car, selon le ministre, cette dernière ne dispose d’aucune référence professionnelle dans l’exploitation des aéroports ; car étant spécialisé dans la transmission de données. D’où la question de savoir quels rapports significatifs entretient-elle avec la mission confiée à sa filiale sénégalaise, Daport S.A.?
On se retrouve avec le cas de figure suivant : Daport, une société anonyme de droit sénégalais, filiale à 100% de la société anonyme de droit luxembourgeois Afriport détenue à 10% par Fraport AG et à 90% par une petite entreprise allemande dénommée Contrac Flughafen Konzessions Gmbh, appartenant à 90% à un certain Lothar Ebel et dont le siège social est domicilié à Panama City.
Mais pour Thierno Alassane Sall, ce qui pose surtout problème, c’est que le capital social de Contrac Flughafen Konzessions Gmbh est de l’ordre de 125 000 euros (81,8 millions CFA), une somme « dérisoire » comparée à la valeur de l’ouvrage de l’aéroport de Diass qui est de 441 milliards CFA. Ce qui, d’après le ministre, pose un réel problème en cas de manquement de Daport S.A. à ses obligations contractuelles.
Cependant, ce montage offre un double avantage au consortium Fraport AG/ Contrac Flughafen Konzessions Gmbh. D’une part, il permet à Fraport de se prémunir contre une éventuelle mise en cause directe de sa responsabilité en cas de manquement d’Afriport à ses engagements puisqu’elle est indirectement liée à Daport S.A.
Pour ce qui est de la convention Aéroports du Sénégal (ADS)/Daport (signée en mai 2009 et annulée en avril 2012 sans aucun bilan) au titre de la gestion de l’aéroport international Léopold Sédar Senghor, le ministre souligne un «déséquilibre manifeste» entre les droits et obligations des deux parties au profit de Daport.
Ce qui n’a pas empêché aux Ads de verser à Daport plus de 2,4 milliards CFA (sur 2,8 milliards initialement prévus) comme honoraires pour ses prestations de gestion et d’équipement de l’aéroport international Léopold Sédar Senghor.
Or, d’après Thierno Alassane Sall, hormis quelques formations proposées aux agents de la structure, les prestations attendues de Daport ne sont pas visibles.
Au finish, le ministre accuse nommément Karim d’avoir, par le biais d’une société écran (Daport S.A.), d’avoir détourné plus de 2,4 milliards CFA d’argent public.
«C’est lui et ses hommes qui sont à l’origine de cette affaire», martèle-t-il comme pour enfoncer le clou. Selon M. Sall, c’est le même procédé qui a été utilisé avec les sociétés AHS et DP World, entre autres. Une manière pour lui de justifier l’accusation portée contre Karim Wade d’avoir détourner près de 700 milliards CFA.