Excisons les excisions!
Des rencontres inspirées des traditions africaines et des rituels liés à l’excision amènent des grands-mères à arrêter d’exciser les jeunes filles dans le sud du Sénégal et à aller vers un abandon de la pratique des mutilations génitales féminines (MGF).
Des experts voient en cette expérience l’espoir de l’abandon définitif de l’excision en Afrique de l’ouest où l’argument culturel et religieux est le principal motif de la persistance des MGF.
Selon une étude menée en 2011 par ‘Grandmother Project’, une organisation non gouvernementale (ONG), à Vélingara (sud du Sénégal), 93% des grands-mères sont opposées à l’excision. En 2008, ce taux était seulement de 41%.
Dans une trentaine de villages autour de Vélingara, des rencontres inspirées des traditions locales, en particulier le koyan (le rite de passage lié à l’excision), permettent aux populations de discuter des questions relatives à leurs valeurs culturelles. Des chefs religieux, chefs coutumiers, fonctionnaires, jeunes et personnes âgées participent à ces débats. Ces rencontres mettent en valeur le rôle éducatif des grands-mères dans les sociétés africaines. Mais au-delà, elles brisent le silence entourant les sujets tabous comme l’excision.
« J’étais personnellement pour l’excision, comme beaucoup de gens, mais les discussions en public m’ont aidé à changer de position, à accepter que dans notre culture, il y a des valeurs à conserver et d’autres à abandonner« , raconte Abdoulaye Baldé, imam d’une mosquée à Vélingara.
Aujourd’hui, les populations locales savent que l’islam ne fait pas de l’excision une obligation pour les croyants grâce aux interventions de l’imam Baldé lors des débats. L’implication des leaders d’opinion a eu un grand impact sur la nouvelle perception de l’excision par les grands-mères.
Fatoumata Baldé, la matrone du village de Kandia, près de Vélingara, estime que depuis 2010, elle n’a pas vu un cas d’excision dans la localité.
L’initiative des rencontres est venue de ‘Grandmother Project’, une ONG internationale basée en Italie, qui fait la promotion du dialogue communautaire autour de la culture. « Les populations ont arrêté l’excision d’elles-mêmes. Nous n’avons jamais demandé aux gens d’arrêter« , souligne le coordinateur Cissé.
« Les projets de lutte contre l’excision ciblent généralement les exciseuses, alors que c’est un problème communautaire. Si seulement une partie de la communauté abandonne, la pratique persiste car le reste de la population n’est pas engagé« , indique Boubacar Bocoum, un consultant malien ayant fait des enquêtes sur l’excision dans plusieurs pays.
Selon une étude publiée par l’ONG ‘Plan International’ en 2006, l’excision existe dans l’ensemble de la sous-région. « En Guinée, en Sierra Leone et au Mali, pratiquement toutes les femmes sont excisées… Au Niger et au Ghana, la pratique est limitée à certaines zones géographiques et la prévalence nationale est de moins de 10%« , indique l’étude.
A Vélingara, les grands-mères entendent perpétuer leur expérience qui les rapproche plus du reste de la société. « Avant, les gens ne voulaient pas que les enfants s’approchent de nous parce qu’ils pensaient que nous étions des sorcières« , racontait Sabaly, émue, retenant ses larmes dans une salle de classe où elle était invitée à parler des valeurs traditionnelles aux enfants, en octobre dernier.