Procès à suivre!
Depuis mardi 4 février, l’ex-dame de fer de l’ancien régime ivoirien, Simone Gbagbo, est entendue par la justice de son pays dans sa résidence surveillée à Odienné dans le nord- est de la Côte d’ivoire. Elle est suspectée par la justice ivoirienne de «crimes de guerre, crimes économiques, atteinte à la sûreté de l’Etat et génocide».
D’aucuns l’accusent même d’être le principal responsable de la crise postélectorale qui a fait, selon l’ONU, 3.000 morts du fait de son intransigeance et de son influence exceptionnelle sur toutes les sphères de l’Etat Gbagbo, au point que son mari de président ne pouvait plus aisément lui objecter quoi que ce fût impunément.
C’est justement pour cette raison que la Cour Pénale Internationale (CPI) a lancé, depuis 2012, un mandat d’arrêt à son encontre pour 4 chefs d’inculpation. Cette juridiction soupçonne, en effet, l’ex-Première Dame, âgée aujourd’hui de 63 ans, de meurtres, viols, violences sexuelles, actes inhumains, persécutions et autres formes de violence commis sur le territoire ivoirien, entre le 16 décembre 2010 et le 12 avril 2011.
Son ancien garde du corps et bras séculier, le redoutable commandant Anselme Séka Séka, est par ailleurs accusé d’avoir trempé directement dans le meurtre du général Robert Gueï en 2002 et du journaliste franco-canadien Guy-André Kieffer en 2004.
Nonobstant toutes ces accusations dont la gravité coule de source, Abidjan s’est refusé à déférer aux injonctions de la justice internationale quant à l’extradiction de l’ex-Première Dame.
On voit bien le choix cornélien auquel les autorités ivoiriennes se trouvent confrontées. Comment en effet envoyer Simone rejoindre son mari, donc continuer à livrer à la Haye plusieurs personnes du camp de Gbagbo sans que des proches du camp Ouattara, également dans le viseur du procureur, Fatou Bensouda, en viennent à subir le même sort?
L’argument massu jusque-là avancé par Abidjan, c’est qu’il dispose desormais d’une justice pour même une clientelle digne de la CPI. Et l’audition en cours à Odiénné vient comme pour montrer que la justice ivoirienne est bel et bien en action et qu’Alassane Ouattara n’est visiblement pas prêt à extrader l’ancienne vice-présidente du Front Populaire Ivoirien(FPI).
C’est le 2ème acte de la procédure, sur le fond, depuis l’assignation à résidence de Simone Gbagbo il y a bientôt 3 ans. Il intervient peu après que bien de cadres de FPI anciennement incarcerés ont recouvré la liberté à titre provisoire.
Ainsi, dans un esprit sans doute de décrispation et de réconciliation, le pouvoir ivoirien a lâché symboliquement du lest en libérant à titre provisoire Affi N’Guessan, Aké N’Gbo, Michel Gbagbo, pour ne citer que ces caciques frontistes, tout en organisant le retour massif d’exilés civils et militaires.
Il n’est donc pas exclu que, dans la même dynamique de la réconciliation, l’ancienne Première Dame de Côte d’Ivoire puisse bénéficier, à l’issue de cette audition, de certains assouplissements du régime carcéral qui est le sien depuis la grande chute du 11 avril 2011.
Que la CPI puisse en prendre la mouche, cela est incontestable, mais le retour progressif à ce havre de paix que fut longtemps le pays d’Houphouët-Boigny vaut bien quelques fâcheries avec les juges de la Haye.