Ces mines ne font pas… bonne mine!
Les Etats africains semblent avoir trop ou rien compris dans le système libéral en cours dans nos pays depuis quelques années. En tout cas, c’est ce que l’on est tenté de dire au regard de leurs attitudes face aux conflits récurrents dans les sociétés minières ou pétrolières. Au nom du libéralisme, ils assistent impassiblement à la misère, sinon au malheur des mineurs et autres travailleurs des sociétés multinationales. Le cas de la mine de platine de Marikana en Afrique du Sud est illustratif à cet égard.
Il a fallu que l’on enregistre de nombreux morts avant que le président sud-africain, Jacob Zuma, s’implique personnellement dans la recherche de solutions au conflit qui oppose la mine aux travailleurs. Au Burkina, l’Etat n’intervient généralement que lorsque les travailleurs menacent d’incendier ou lorsque ceux-ci ont saccagé des installations d’une société. L’on a l’impression que les Etats africains se complaisent dans ce jeu de médecin après la mort. Un Etat qui se veut responsable ne doit pas attendre qu’un conflit prenne des proportions inquiétantes ou atteigne un stade de non retour pour intervenir.
Il ne faudrait pas qu’au nom du libéralisme, nos Etats se détournent de leur rôle régalien. Certes, tous les Etats en voie de développement veulent des investisseurs, mais cela ne devrait pas se faire à n’importe quel prix.
Les Etats qui ont des sous-sols riches, doivent être capables d’élaborer des codes miniers et d’investissement en mesure non seulement d’attirer des investisseurs mais aussi et surtout de protéger les travailleurs. Seuls de tels codes peuvent permettre aux Etats africains d’affirmer leur autorité lorsque celle-ci se trouve bafouée par de grandes sociétés à travers un traitement dégradant et humiliant des travailleurs qu’ils ont le rôle de protéger.
Il est vrai que la question des multinationales est assez complexe parce qu’elle est à la fois politique, économique et sociale. Toutefois, dans un pays démocratique, l’Etat devrait pouvoir sans faux-fuyant, l’aborder avec sérénité. Le libéralisme ne signifie pas pagaille.
D’ailleurs, la libéralisation à tout va est presque antagonique à la démocratie que nos Etats essayent, tant bien que mal, d’appliquer. A dire vrai, si les miniers font la pluie et le beau temps dans les Etats africains, c’est parce que les autorités sont souvent prises en otage à cause des pots- de-vin.
Peut-on avoir une bouche pleine de farine et pouvoir parler à haute voix? Si certaines sociétés arrivent à obtenir des contrats léonins dans le secteur minier, c’est bien à cause de cela. Et c’est aussi pourquoi, en dépit des faits répréhensibles qui sont reprochés à certaines compagnies, aucune injonction ne leur est adressée. Même les dégâts environnementaux qui sont occasionnés par certaines sociétés sont le plus souvent vite ignorés, au grand dam des populations riveraines qui n’ont, souvent, que leurs yeux pour pleurer.
Le comportement de certaines sociétés minières est tel que l’on se demande si elles ne sont pas des Etats dans les Etats. Il est temps que les dirigeants africains se réveillent et prennent le bâton de commandement avant que les populations ne le fassent à leur place. En tout état de cause, un Etat qui n’est pas capable de s’affranchir, est voué à la domination. Et ce ne sont pas ces sociétés qui ne pensent qu’à faire de gros bénéfices, qui leur accorderont le salut.
Les ressources naturelles dont dispose le continent noir ne sont pas intarissables. Et les autorités devraient en être conscientes et prendre des mesures à même d’en assurer une gestion saine qui puisse profiter au peuple qui en est le premier légataire.