Ciao Tchad?
La Centrafrique continue de s’enfoncer dans la violence. Chaque jour qui passe apporte son lot de souffrances. C’est dans un tel contexte que le contingent tchadien a décidé de se retirer de la MISCA (Mission Internationale de Soutien à la Centrafrique). L’annonce en a été faite, en marge du sommet Union européenne-Afrique qui se tenait à Bruxelles, par un communiqué signé du ministre tchadien des Affaires étrangères.
Cette grave décision du Tchad risque de rendre plus complexe le retour de la paix en RCA. Le Tchad justifie ce retrait par le fait que malgré ses sacrifices, les Tchadiens font l’objet «d’une campagne gratuite et malveillante tendant à leur faire porter la responsabilité de tous les maux dont souffre la RCA« . Cette grave décision du Tchad risque de rendre plus complexe le retour de la paix en RCA. Quand on sait l’efficacité de ce contingent, on ne peut que se montrer perplexe. Malgré ses défauts et ses faiblesses, le contingent tchadien reste l’un des meilleurs de la MISCA. Certes, les accusations de violation des droits humains et de bavures se sont multipliées ces derniers temps contre ce contingent.
Les dernières en date remontent aux affrontements entre ce contingent et les anti-balaka. Le bilan faisait état de plusieurs morts dont des civils. Toutefois, en dépit de ce triste événement, on n’imaginait pas que le Tchad se retirerait de la Centrafrique aussi précipitamment, tant sa contribution était considérable. Cette décision, lourde de conséquences, est diversement appréciée. Pour les Banguissois qui réclamaient le départ de ce contingent tchadien, c’est un ouf de soulagement.
Mais pour les musulmans des villes du Nord comme Kaga-Bandoro, Ndélé ou encore Sibut qui bénéficient de la protection de ce contingent tchadien, c’est le déluge. Car si des dispositions urgentes et efficaces ne sont pas prises, ils seront à la merci des anti-balaka qui sont sans foi ni loi. Il faut espérer que l’Europe qui a décidé de déployer bientôt 800 hommes à Bangui songe à envoyer des forces dans les villes du Nord. Baptisée Eufor-RCA, cette force aura, pour l’instant, la mission de sécuriser deux arrondissements de Bangui, la capitale centrafricaine, et l’aéroport. Elle représente une contribution de 9 pays européens en hommes et de 4 pays en logistique avec des véhicules et des avions. Cette force tant attendue contribuera, à n’en point douter, à renforcer l’action des autres forces déjà présentes sur le terrain, notamment l’opération Sangaris et la MISCA.
En attendant que cette force européenne dont le déploiement débute fin avril, soit opérationnelle en mai, on peut dire que sa mise en place est une chose salutaire. Son entrée en scène apportera, on l’espère, du baume au cœur des Centrafricains qui ne savent plus à quel soldat se vouer. Cette initiative salvatrice de l’Europe devrait interpeller une fois de plus les dirigeants africains, incapables de résoudre les problèmes qui naissent dans leurs pays respectifs. Le déploiement de l’Eufor-RCA dans les prochains jours à Bangui, est la preuve que toute l’Europe a pris le problème centrafricain à bras-le-corps ou, du moins, est consciente de l’intérêt qu’il y a à ramener la paix en RCA.
Tant que les anti-balaka ne seront pas neutralisés, il sera difficile de remettre la RCA sur les rails
Il est évident qu’on ne peut exploiter les richesses de ce pays dans le climat actuel. Aucune économie ne peut prospérer dans un pays aussi malade que la RCA. D’où l’intérêt de travailler à ramener la paix, la sécurité et la stabilité. En tout cas, l’Europe a compris qu’il est temps d’agir au plus vite pour que cette guerre qui n’a que trop duré n’affecte pas toute la sous-région. Si l’envoi de l’Eufor-RCA suscite tant d’espoir, il n’en demeure pas moins que l’on s’interroge ; réussira-t-elle là où les autres forces ont échoué? Difficile de répondre par l’affirmative. Seuls le temps et l’évolution de la situation sur le terrain nous le diront. La crise en RCA a pris une telle dimension qu’il est aujourd’hui difficile de parier sur le succès d’une opération, fût-elle européenne.
Le cas de l’opération Sangaris en est l’illustration parfaite. Ce qu’elle considérait au départ comme une promenade de santé, s’est transformé en une promenade en enfer. Avant d’atterrir sur le sol centrafricain, les forces françaises considéraient la guerre en RCA moins complexe que celle du Mali. Mais elles ont eu tort car il s’est avéré plus facile de combattre un barbu enturbanné qu’un anti-balaka. En vérité, la guerre en RCA est comparable à celle des Balkans, notamment au Kosovo, qui a duré une décennie. Ce qui, au départ, était une affaire ethnique, s’est transformé en une guerre d’indépendance nécessitant l’intervention des puissances étrangères comme les Etats-Unis. Certes, la RCA n’a pas encore atteint l’ampleur de cette guerre mais le chemin qu’elle a emprunté pourrait l’y conduire.
En effet, tant que les anti-balaka ne seront pas neutralisés, il sera difficile de remettre la RCA sur les rails. Et c’est un euphémisme de dire que l’Eufor-RCA aura fort à faire. Du reste, si elle tient à réussir sa mission, elle devra se montrer impartiale afin d’éviter d’être taxée de complice de tel ou tel camp, comme on l’a vu avec l’opération Sangaris accusée par la Séléka de prendre fait et cause pour les anti-balaka.