Le 23 juin représente un double symbole pour Tiken, la marche de la révolution en Afrique noire avec l’exemple du Sénégal et c’est sa date de naissance.
C’est lors de la 15ième édition du Montjoux Festival (7 au 9 juillet) que, devant des milliers de fans réunis au Montjoux Festival sur les rives du Leman, (dont le château et les arbres centenaires devaient revivre la révolution française) le chanteur, avec ses gestuelles, d’une voix posée et forte annonça: « Je dédie cette chanson à la révolution du peuple sénégalais ».
Tiken Jah Fakoly déclare qu’il a décidé de consacrer sa carrière musicale à l’Afrique.
« Le continent africain a besoin de s’exprimer. Un continent dont l’histoire n’est pas connue et qui vit des moments socio-historiques d’une très grande importance« .
Musique basse, calme soudain sur l’album « African Revolution » et Tiken Jah de demander au public de saluer le peuple sénégalais.
« Je dédie ce morceau à la révolution du 23 juin au Sénégal’, dira-t-il sans oublier de rendre hommage aux Tunisiens et aux Egyptiens. Comme un homme, le public se remit à sauter. Le message est passé.
Déclaré persona non grata au Sénégal en décembre 2007, Tiken Jah, un homme de courage et de convictions s’est réconcilié avec le Président Wade qu’il a rencontré avant de venir jouer en décembre dernier au FESMAN III (Festival Mondial des Arts Nègres).
‘J’ai été interdit pendant trois ans d’entrée au Sénégal. Je me suis rendu ensuite deux fois au Sénégal’, a-t-il rappelé.
Il a suivi les évènements du 23 juin au Sénégal qui l’ont beaucoup marqué du fait par ailleurs que cette date est le jour de sa naissance.
« J’ai toujours souhaité que, en Afrique, le peuple montre ses muscles aux dirigeants. Nous sommes habitués à voir plutôt des gens faire le salamalec devant ces dirigeants qui finissent par croire qu’ils sont les descendants ou les représentants de Dieu sur Terre et qu’ils ont tous les pouvoirs sur le peuple’, soutient le reggaeman ivoirien. Mais quand le peuple se rassemble et qu’il montre ses muscles, cela peut faire changer les choses. Ce qui s’est passé au Sénégal est quelque chose de positif. Nous espérons que le reste de l’Afrique noire prenne ça comme un exemple. Cela veut dire que quand le peuple dit non, cela doit rester non« , commente-t-il.
Et de poursuivre: « J’ai été l’un des premiers à aborder publiquement ce sujet de la succession du Président Wade par son fils. J’en ai payé le prix avec trois ans d’interdiction de séjour au Sénégal. J’ai rencontré le Président Wade après et je suis revenu jouer au Fesman. Je me suis exprimé, j’ai été interdit de séjour, je suis revenu et je continue à m’exprimer. Je pense que le combat doit continuer. Il faut absolument que les Sénégalais restent sur leur position et qu’ils disent non et qu’ils continuent à dire non« .
Tiken Jah Fakoly se dit complètement solidaire avec le combat du peuple sénégalais.
« Le peuple sénégalais vient de répondre à un appel, celui de l’album African revolution sorti en septembre 2010. Il y a d’abord la Tunisie, ensuite l’Egypte et aujourd’hui c’est le Sénégal qui a répondu. L’artiste aimait rappeler à la sortie de cet album lors de ses différentes interviews avec la presse que quand le peuple dit non, c’est non! Quand le peuple se réveille, il gagnera tous les combats’, fait savoir l’interprète de Coup de Gueule, l’album sorti en 2004. Le Sénégal a répondu donc à cet appel« .
Et à ceux qui disent par ailleurs que le Président Wade n’a rien fait pour le Sénégal, Tiken répond qu’il n’est pas d’accord avec eux’. Et d’argumenter: « Le Sénégal a rarement eu un Président aussi charismatique que le Président Wade« .
Puis de préciser, reconnaissant les efforts du gouvernement qui ont permis de donner un autre visage à la capitale sénégalaise: « Tout ce que nous lui reprochons aujourd’hui c’est le fait qu’il s’entête à vouloir se faire succéder par son fils et à créer ainsi une monarchie dans une république. Pour moi qui ai été interdit de séjour pendant trois ans, lorsque je suis revenu j’ai retrouvé un autre visage du Sénégal, en tout cas Dakar avait changé. Il faut reconnaître le travail de chacun« .
Mais pour lui, ce n’est pas une raison suffisante pour que Wade reste au pouvoir: « A 86 ans, il est inacceptable que l’on donne au Président Wade la possibilité de se représenter une nouvelle fois. Le cas échéant, le Sénégal risque de vivre une tension inutile. Je rencontre souvent des gens qui me disent ‘vous savez le Sénégal est un pays calme. Nous sommes tous des frères’. En plus il y a les marabouts etc.’. Je voudrais leur dire qu’il n’y avait pas un pays plus calme que la Côte d’Ivoire. Pendant près de 30 ans toute la sous-région venait voir le Président Houphouët Boigny pour chercher des solutions à leurs problèmes en tout cas en ce qui concerne la paix dans leur pays. Cette même Côte d’Ivoire vient de connaître des moments difficiles. Si la Côte d’Ivoire s’est embrasée, c’est que tous les pays du monde entier peuvent s’embraser à leur tour. Il faut simplement éviter la tension au Sénégal« .
Cette volonté affichée de s’exprimer et d’être l’une des voix du continent premier, Tiken Jah Fakoly l’assume pleinement par son franc parler et une grande honnêteté. Et ça marche.
Le public européen est toujours au rendez-vous quand Tiken est à l’affiche. Les mélomanes l’écoutent et apprécient sa musique.
« Nous passons des messages par rapport au continent qui passeraient difficilement à la télévision« , dira-t-il.
C’est pour cela aussi que le public européen curieux et friand de liberté l’apprécie. Il leur rappelle que le retard de l’Afrique n’est pas le fruit du hasard. Il dénonce l’assassinat de dignes fils de l’Afrique par le colonialisme et le néocolonialisme.
Il s’insurge contre l’imposition unilatérale des visas aux Africains. Il prône une solidarité agissante entre les peuples basée sur la connaissance, le respect et l’amour.
Pourtant Tiken Jah n’oublie pas de dénoncer les guerres dites ethniques qui ont déchiré des pays comme la Côte d’Ivoire, la corruption de nombre de dirigeants africains, etc.
Ne se limitant pas uniquement à dénoncer ou à éveiller les consciences, le reggaeman ivoirien exilé au Mali s’est engagé depuis dix ans dans l’humanitaire et a, à son actif, la construction de deux écoles primaires et d’un collège.
Tee shirt à l’effigie de Mandela, Malcom X et Martin Luther King (les 3 ‘M’), le reggaeman « révolutionnaire dans l’âme » souligne qu’il n’est qu’un « soldat pour l’Afrique qui mène un combat qui mérite d’être mené« .
A propos du tee-shirt avec les 3 ‘M’, l’artiste déclare: « Je suis aussi reconnaissant effectivement envers ceux qui ont donné leur vie pour moi, pour l’Afrique et pour l’homme noir. Ceux-là qui ont été les premiers à élever la voix pour dire que les Africains ne sont pas des sous-hommes et qu’il fallait les considérer comme des hommes détenteurs de dignité et de droits. Martin Luther King, Malcom X en font partie et Mandela qui est aujourd’hui le plus connu parmi eux« .
Alimata Sidibé