Clique l’encyclique!
Une encyclique, deux papes. Étrange atmosphère, vendredi, au Vatican. Alors qu’était publiée la première encyclique du pape François, intitulée «Lumière de la foi», très largement rédigée par son prédécesseur, Benoît XVI – qui n’apparaît pas comme cosignataire du texte.
Benoit XVI s’est présenté publiquement aux côtés de son successeur pour l’inauguration d’une statue de saint Michel archange, dans les jardins du Vatican. Seront-ils à nouveau côte à côte pour la canonisation commune de Jean-Paul II et de Jean XXIII, également annoncée vendredi? Rien ne l’interdit. Il faudra toutefois attendre pour le savoir. Cette cérémonie interviendra «avant la fin de l’année», assure le Vatican, mais la date est inconnue.
Connue en revanche, lisible en quatre-vingts pages, la première encyclique du Pape François, Lumen Fidei, («Lumière de la foi»), selon les premiers mots de la lettre, qui donnent toujours le titre, est en réalité une encyclique d’une facture… propre à Benoît XVI. Tout le trahit dans le texte: style, points d’insistance, références théologiques et littéraires. Ce document était bien avancé, le 11 février, quand le pape allemand abdiqua. Cette encyclique fut même donnée comme «abandonnée» après la renonciation du Pape. Il apparaît que François, qui reprend le texte à son compte – car une double signature est canoniquement impossible, deux papes ne peuvent avoir autorité de signer en même temps un document -, souhaite ainsi rendre hommage à son prédécesseur.
Ces pages viennent «s’ajouter à tout ce que Benoît XVI a écrit dans les encycliques sur la charité et sur l’espérance, précise le pape François. Il avait déjà pratiquement achevé une première rédaction d’une lettre encyclique sur la foi. Je lui en suis profondément reconnaissant et, dans la fraternité du Christ, j’assume son précieux travail, ajoutant au texte quelques contributions ultérieures». De fait, la patte de François est discrète. Le pape argentin a un style très facilement reconnaissable: très concret, vif, direct. Il disserte peu, va directement à la question du «comment» et cite beaucoup d’analogies ou d’exemples. Il vise la conversion du cœur pour l’action. Au contraire, Benoît XVI réfléchit longuement au «pourquoi». Sans trop d’effet rhétorique percutant, ses phrases sont très articulées. Il recourt très volontiers aux références théologiques, philosophiques, littéraires. Il vise l’intelligence de la foi.
Cette vraie-fausse encyclique de Benoît XVI peut donc être considérée comme la quatrième et dernière de son pontificat, après Caritas in veritate, (29 juin 2009), Spe salvi (30 novembre 2007) Deus caritas est (25 décembre 2005). Mais elle demeure la première du pape François, qui entend illustrer par là la complémentarité et la continuité entre les papes: «Le successeur de Pierre, hier, aujourd’hui et demain, écrit-il, est en effet toujours appelé à confirmer les frères dans cet incommensurable trésor de la foi.» Elle permet aussi d’en finir avec le mythe médiatique d’une «première encyclique à quatre mains», car, s’il est une nature de textes où les papes sollicitent, pour la rédaction, des experts multiples, ce sont bien les encycliques. La publication de ces documents de référence des pontificats, textes normatifs, fait d’ailleurs toujours l’objet de versions multiples. Certaines ébauches non abouties dorment encore dans les tiroirs du Vatican.
«Lumen fidei», qui avait été pensée pour accompagner «l’année de la foi» décrétée par Benoît XVI en cours dans l’Église catholique, est de facture très classique. Toute l’économie du texte vise à démontrer que la foi n’est pas un sentiment obscurantiste mais qu’il éclaire au contraire, telle une «lumière» intérieure, toute la vie de la personne – et en particulier son intelligence et sa compréhension du monde, et ce thème, «foi et raison», est omniprésent chez Benoît XVI – et celle de la société. Cette lumière, regrette le Pape, est devenue «le grand oubli du monde contemporain».