Pouvoir laisser le pouvoir?
Les Algériens ont voté, jeudi 17 avril, pour élire leur président de la République. Ce sera soit le sortant Abdelaziz Bouteflika, ou son principal challenger, Ali Benflis, qui gouvernera depuis le palais de « El Mouradia », sur les hauteurs de la ville blanche, l’une des puissances du continent.
Pour beaucoup, les jeux sont déjà faits, et « Boutef’ », comme on l’appelait dans ses grandes années, fait absolument figure de favori, alors qu’il détient le record de longévité à la tête du pays et ceci, malgré une campagne électorale muette.
C’est l’une des figures historiques des années de décolonisation et celles qui, plus tard, verront émerger, une très puissante opinion publique au Maghreb, qui se présente encore devant des électeurs pour un quatrième mandat, après avoir pris le pouvoir en 1999 lors d’une élection à laquelle il s’était présenté en tant qu’indépendant.
L’opinion internationale s’émeut de voir un doyen de la scène politique arabe et africaine, impotent, à 77 ans, après 14 ans à la présidence, forcer encore le destin, comme il faisait dans ses jeunes années, quand il était combattant du Fln, face à l’armée française.
Ou fringant chef de la diplomatie sous Houari Boumediene, il portait la bonne parole de ce qu’on appelait naïvement « le tiers-monde ». Le président Bouteflika est l’une des dernières icônes de la guerre de libération.
Nonobstant la parenthèse de la guerre civile contre les islamistes après les élections de 1992, c’est l’héritage de la libération qui accorde systématiquement le pouvoir dans ce grand pays, entre Méditerranée et Sahara, qui, entre laïcs et islamistes, a endigué « le printemps arabe », mais doit faire face.
La presse internationale a ricané quand elle a constaté que « Boutef’ » n’a pas battu campagne. Il y a des évidences qui ne peuvent s’observer qu’en Afrique. Normal. Plus personne ne peut cacher que le cinquième président de la république algérienne « démocratique et populaire » est souffrant.
Très souffrant. Longtemps interné dans un hôpital parisien, presque aphone après un accident vasculaire cérébral (Avc), c’est dans un calme sidérant qu’il a fait comprendre qu’il ne pouvait pas ne pas se présenter.
Mais le pays n’a pas bougé pour autant. Certes, un mouvement citoyen fait bouger les opinions, mais seulement sur les réseaux sociaux informatiques.
Mieux (ou pire), c’est seulement le taux de participation au scrutin qui fait s’interroger, ou alors les attitudes qu’auront les animateurs du mouvement de contestation contre ce quatrième mandat de celui qui n’a même pas eu besoin de présenter un bilan, tellement son camp politique tient fermement la barre.
C’est le paradoxe des « démocraties » arabes et maghrébines. Leurs transitions sont toujours douloureuses. Elles sont soit monarchiques, soit violentes, ou alors enfantent de nouveaux régimes dans la douleur.
Mais l’Algérie n’est pas n’importe quel pays. Grâce à ses richesses sur le plan énergétique ainsi qu’à sa position particulièrement privilégiée dans le flanc sud de la Méditerranée, il jouit d’une influence certaine.
Là-bas, le parti qui a gagné la guerre d’indépendance et l’armée y sont toujours gagnants. Et il y a ce qu’un éditorialiste du journal « El Watan » appelle « les peurs primaires » : le régime qui a sorti les populations des affres de la guerre contre les islamistes ne sera jamais trop bien remercié.
Si les jeunes de Blida, Tlemcen, ou Tizi-Ouzou ne sont pas sortis dans les rues comme l’ont fait ceux de Tunis, c’est que l’Algérie vit une embellie économique.
La flambée des prix du pétrole et du gaz de ces dernières années a permis à l’Etat central d’engager d’importants travaux d’infrastructures, de lancer des programmes de soutien à l’éducation et à la santé, et de soutenir les prix à la consommation pour une rue prompte à gronder.
C’est sur cette vague que surfent les politiques (et généraux) qui portent la candidature du président Bouteflika.