Le gouvernement a approuvé la régularisation des travailleurs étrangers : une intervention historique visant ces centaines de milliers de femmes et d’hommes qui travaillent depuis des années pour collecter notre nourriture, s’occuper de nos maisons, prendre soin de nos proches malades ou âgés. Des citoyens, souvent invisibles, qui maintiennent notre pays sur ses pieds, grâce auxquels nous avons pu mener une vie normale tous les jours, grâce auxquels nous sommes restés chez nous pendant la période de fermeture et grâce auxquels l’Italie peut maintenant repartir.
Une bataille politique remportée malgré l’aile M5S contre la mesure, qui semble encore regretter l’époque où elle allait de pair avec la Lega di Salvini.
Mais Salvini lui-même semble émerger comme le grand vaincu de cette bataille de la civilisation.
« La régularisation des migrants risque d’être un feu vert pour ceux qui trafiquent à la gare Termini ou à la gare centrale de Milan » – a commenté le leader (encore pour combien de temps?) de la Lega. Bref, l’habituel Salvini, prêt à mystifier la réalité contre la nouvelle mesure de régularisation des migrants voulue par le gouvernement, sans aucune difficulté.
Une régularisation, il faut le souligner, qui ne s’adresse qu’à une partie de ceux qui travaillent illégalement en Italie. Une limite forte, sans doute: évidemment le résultat d’une médiation politique au sein du gouvernement, vers ceux qui ont le plus peur de perdre (les autres) des votes à droite. Mais c’est précisément le climat de fatigue dans lequel cette mesure est née qui doit nous faire saisir sa valeur symbolique profonde.
« Je suis moralement et socialement opposé à l’amnistie, car elle ne s’adresse pas seulement aux travailleurs qui auraient un contrat de travail mais aux dizaines et dizaines de milliers de personnes qui avaient demandé l’asile et dont la demande a été rejetée parce qu’elle était fausse, un mensonge: si c’était comme le dit le ministre Provenzano, ce serait l’amnistie pour des dizaines et des dizaines de milliers de personnes, ce serait deux ans de travail pour rétablir des règles, un certain ordre, annulées en une nuit ».
Salvini ment en sachant de mentir. Il faut lui rappeler que la plus grande amnistie pour les immigrés clandestins en Italie a été menée par son propre parti avec l’approbation de Silvio Berlusconi, sur la base d’un règlement qu’ils voulaient et qui est toujours en vigueur. Depuis le milieu des années 1980, environ 630.000 des plus de 1,8 million d’immigrants clandestins en Italie ont été régularisés par le centre-droit en 2002-2003, par le 2ème gouvernement Berlusconi (Forza Italia, Alleanza Nazionale, Lega, UDC), en place depuis le début de la 14ème législature.
Matteo Salvini, il y a quelques jours, avait reparlé d’immigration, rencontrant un autre personnage devenu viral, à l’émission ‘Una mezz’pora di +’ (Une demi-heure de plus) de Lucia Annunziata, tandis qu’en liaison avec lui, il y avait Aboubakar Soumahoro, italo-ivoirien et syndicaliste de la Coordination des travailleurs agricoles de l’USB (Union Syndicale de Base). Au centre de l’intervention de l’ancien ministre de l’intérieur se trouvait la proposition, désormais effective, de la ministre Teresa Bellanova de régulariser les travailleurs agricoles en situation irrégulière. Tout en se disant prêt à prolonger les permis de travail des travailleurs agricoles en situation irrégulière, M. Salvini avait exprimé un non catégorique à une régularisation générale, expliquant que « si nous continuons à régulariser les migrants en situation irrégulière, nous avons des esclaves » et qu’une amnistie de masse « apporte plus d’exploitation ».
Là encore, Salvini ment et il le sait très bien. La réalité est tout autre: une personne en situation irrégulière sur le sol italien n’existe pas pour l’État car non seulement elle ne paie pas d’impôts, mais elle ne peut pas accéder aux soins de santé et ne peut pas trouver un emploi régulier. De plus, les immigrants en situation irrégulière ont toujours été l’un des plus importants ‘bassins’ où les criminels peuvent trouver de la main-d’œuvre.
Salvini est la grande défaite de la régularisation. En ce qui concerne les migrants, sa façon de faire de la politique a toujours été très dangereuse pour la société: mieux vaut inculquer et alimenter la haine contre les migrants qui « volent nos emplois« , faisant ainsi le plus beau cadeau aux mafias et aux patrons sans scrupules. Mieux vaut refuser des droits aux travailleurs « étrangers » et les obliger à subir le chantage du « travail au noir »: de cette façon, les mêmes droits peuvent être refusés aussi à nos travailleurs « italiens ».
Mais cette fois-ci, ce n’est pas le cas, car, bien qu’avec de fortes limites, cette mesure ouvre à de nombreuses femmes et à de nombreux hommes une perspective d’échapper aux abus, au chantage et à l’exploitation par lesquels ils ont appris à connaître notre pays.
Mais les travailleurs italiens en bénéficieront également, car ils ne pourront plus être victimes de chantage de la part d’entreprises qui les exploitent en les menaçant de trouver une main-d’œuvre moins chère. En bonne paix du ‘capitano’.