Enfin un nouveau gouvernement au Nigeria ! Ça commençait à faire un peu long. La gestation de l’exécutif aura donc été particulièrement longue car il aura fallu presque un semestre à Muhammadu Buhari, qui a pris fonction le 29 mai 2015, pour doter son pays d’un gouvernement.
Certes, il avait prévenu qu’il prendrait son temps, histoire de commanditer un audit général du fonctionnement de l’Etat. Mais on était loin de s’imaginer que cela durerait aussi longtemps. Fini donc l’exercice quasi solitaire du pouvoir ! Depuis hier mercredi 11 novembre, place à une équipe gouvernementale dont les membres ont été sélectionnés avec soin par ce coach dont les allures d’ascète semblent avoir déteint sur la configuration du gouvernement.
En effet de 36 sous l’ancien président, Goodluck Jonathan, le nombre de portefeuilles ministériels est passé à 24, auxquels s’ajoutent 12 postes de secrétaires d’Etat. Soit en tout et pour tout 36 big managers pour l’Etat le plus peuplé d’Afrique (près de 180 millions d’habitants).
Mais au-delà de cette cure d’amaigrissement imposée à la tête du « Géant de l’Afrique », l’austère Buhari s’est arrogé le maroquin du Pétrole, alors que certains le voyaient à la Défense, tout général de l’armée qu’il fut. Il a donc préféré garder l’œil sur la principale mamelle du pays, gangrénée par une corruption endémique, le trafic de pétrole brut et toutes sortes de pratiques mafieuses.
En 2013 par exemple, une enquête a révélé l’existence d’un « trou » de près de 50 milliards USD dans les comptes de la compagnie nationale pétrolière, la NNPC. Soit 16 fois les recettes propres d’un pays comme le Burkina pour l’exercice budgétaire de 2015. Quoi de plus compréhensible donc que, lors de la campagne présidentielle, le candidat Buhari ait fait de la lutte contre la corruption son cheval de bataille.
En revêtant la tunique de gardien des puits de pétrole, le nouveau locataire d’Aso Rock lance un signal fort: mettre de l’ordre dans le secteur de l’or noir, véritable temple de l’opacité. Alors, tous ceux qui pataugent indument dans les nappes de pétrole sont prévenus.
Qui se rappelle le premier passage de Muhammadu Buhari à la tête de l’Etat de fin 1983 à 1985 et la main de fer avec laquelle il avait mis le pays au pas sait qu’on peut s’attendre à un séisme Oil ministry. Le président-ministre du Pétrole entend secouer violemment le cocotier, pour ne pas dire le derrick.
Autre particularité de ce nouveau gouvernent, excepté les Affaires étrangères, les ministères de souveraineté sont occupés par des militaires. Comme la Défense qui a échu au général à la retraite Muhammad Dan-Ali, et l’Intérieur à l’ancien chef d’état-major de l’armée, Abdulrahman Dambazau.
Preuve que dans la lutte contre le groupe terroriste Etat islamique en Afrique, ex-Boko Haram, le commandant en chef préfère collaborer avec d’anciens frères d’armes. Et pour cause !
«The right man to the right place», a dit le chef de l’Etat nigérian pour expliquer le temps mis dans le choix de ses ministres. Mais ce n’est pas pour autant que ses compatriotes accorderont à ce «dream team» le bon Dieu sans confession. Autant c’est au mur qu’on reconnaît le bon maçon, autant c’est à l’épreuve du terrain que l’on saura s’il a mis l’homme qu’il faut à la place qu’il faut.